C’est l’histoire de Muriel (Sandrine Kiberlain), fraîchement divorcée, un peu mytho, et fan inconditionnelle du chanteur Vincent Lacroix (Laurent Lafitte). Plus qu’inconditionnelle, même : obsessionnelle. En vingt ans, elle a amassé une collection impressionnante de photos dédicacées, de posters, de billets de concerts… Elle a lu tous les articles à son sujet, assiste à tous ses concerts, a même entretenu une correspondance avec lui et va de temps en temps le voir backstage. Bref : elle l’adore.
Mais un jour Vincent Lacroix tue accidentellement sa compagne. Muriel le voit alors débarquer chez elle pour lui demander de prendre sa voiture et d’aller jusqu’en Suisse sans ouvrir le coffre, sans poser de questions. Quand Muriel revient, il se pense tiré d’affaire, mais ce n’est évidemment pas si simple…
Elle l’adore, premier film de Jeanne Herry (la fille de Miou-Miou et de Julien Clerc), est un policier plutôt très réussi, qui repose sur un scénario dans l’ensemble bien ficelé et sur un duo d’acteurs remarquables. Sandrine Kiberlain et Laurent Lafitte sont parfaits dans leurs rôles, et inversement – leurs rôles sont parfaits pour eux. En effet, l’air innocent et naïf de l’une est le masque idéal pour son personnage de mythomane manipulatrice ; le visage bonhomme, un peu enfantin de l’autre, donne immédiatement l’humanité nécessaire à ce chanteur populaire qui devient criminel par accident. Mentionnons également au passage Pascal Demolon, plus vrai que nature en flic têtu et brut de décoffrage.
Je serai plus mesurée en ce qui concerne le scénario, essentiellement à cause de la fin. Les stratégies de «crime parfait» élaborées d’abord par Vincent Lacroix puis par Muriel, imaginant chacun leur tour un scénario leur permettant de se tirer d’affaire, ont un gros potentiel et reposent sur des ficelles intéressantes : respectivement l’adoration aveugle de Muriel pour Vincent et l’aisance de celle-ci à mentir. Le simple fait qu’il y ait deux stratégies, contrairement à la plupart des films du genre où seul le meurtrier développe un scénario de crime parfait, est en soi particulièrement porteur : vous remarquerez notamment comment à la préméditation de Vincent (voir la scène, au symbolisme facile mais efficace, où il conçoit son plan en jouant avec ses jetons de poker) s’oppose la spontanéité de Muriel (les scènes de son interrogatoire, peut-être les meilleurs moments du film, où elle construit apparemment sur le coup, au fil des questions, une histoire qui tient la route).
Au vu de ces atouts bien exploités qui font la force du scénario, le dénouement est d’autant plus décevant. Pour ne pas spoiler, je me contenterai de dire qu’il ne rend pas justice au génie des deux protagonistes, pour la simple raison qu’il est indépendant de leur volonté. La résolution repose en fait sur un SMS adressé au mauvais destinataire, et qui provoque une série de conséquences sans lien direct avec l’affaire (ne vous inquiétez pas, ça ne spoile rien). C’est dommage de gâcher par cet artifice trop facile un scénario par ailleurs si bien pensé.
Mais ne laissez pas ce petit défaut vous empêcher de voir le film et de l’apprécier : au fond, si le dénouement déçoit, c’est avant tout par contraste avec la qualité de l’ensemble. Les performances des acteurs et les différents niveaux de manipulation et contre-manipulation suffisent largement à en faire un film à voir.
Bonne séance !
Elle l’adore, de Jeanne Herry. 1h45. En salles le 24 septembre 2014.
Par Lisa
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