Avant d’être romancier, Nathan Filer a été infirmier psychiatrique pendant dix ans : c’est de cette expérience probablement à la fois éprouvante et émouvante que se nourrit Contrecoups, son premier roman. Et c’est une belle réussite que cette entrée en littérature : lauréat du prix Costa, Nathan Filer nous offre un texte sensible, au ton toujours très juste. Il nous plonge au cœur d’une relation fraternelle torturée, en donnant la parole à Matthew, un narrateur touchant de réalisme.
Matthew a dix-neuf ans, et cela fait dix ans qu’il vit avec la mort de son frère Simon. Hanté par cette disparition, par la culpabilité d’être le survivant, Matthew souffre d’une maladie qu’on appelle la schizophrénie. Pour l’exorciser, il dessine et écrit son histoire. C’est cette histoire que nous découvrons dans ce roman.
Grâce à un style très oral, et décousu, Nathan Filer parvient à rendre avec doigté la confusion qui règne dans l’esprit de Nathan. Si la chronologie n’est pas toujours aisée à suivre, le lecteur passe rapidement outre pour s’intéresser à la place au schéma familial mis en place dans ce roman : cette famille de quatre, devenue famille de trois, frappée par la tragédie. Le père, impuissant, perdu. La mère, au bord de la rupture, étouffante, inquiète, mais finalement très courageuse. Et au milieu, sur le canapé, avec son carnet de croquis, Nathan, qui vit dans le souvenir de ce grand frère lumineux, vulnérable, aimant. Autour d’eux gravitent les grands-parents : Nanny Noo, la mamie gâteau, et grand-père, qui aime jardiner, et révèle le monde secret des fourmis à son petit fils. Comment se remettre de la perte d’un enfant ? Comment continuer à avancer ? Ces questions se révèlent en filigrane. Et, au coeur du roman, cette relation fraternelle tellement touchante… Matthew, bien que le plus petit, se montrait très protecteur envers Simon. Simon, lui, était prêt à tout pour son frère, et lui faisait une entière confiance. Nathan Filer nous offre un moment très tendre, et très triste, lorsque Simon porte son petit frère qui s’est abîmé le genou jusqu’au bout de ses forces. Une scène en apparence anodine, mais finalement bouleversante.
Et bien sûr, de retour dans le présent, apparaît un autre thème : celui de la maladie mentale. L’univers hospitalier, l’infantilisation constante, la surveillance perpétuelle, l’équipe soignante parfois dépassée, l’ennui de longues journées vides à refaire éternellement les mêmes gestes… Matthew nous raconte son quotidien sans fards.
Une narration originale, des thèmes intéressants (la maladie, et le deuil), et des personnages auxquels on s’attache en quelques pages font de Contrecoups une très jolie lecture à découvrir, indéniablement le choc de cet automne.
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