La nuit a dévoré le monde, et les zombies ton voisin.

La nuit a dévoré le monde… Arrêtons-nous déjà sur le titre de ce roman signé Pit Agarmen (en réalité, Martin Page), poétique et mystérieux, qui fleure bon l’apocalypse et la fin de toute société. L’impression est renforcée par la couverture : des mains implorantes brandies vers le ciel, une lune d’un jaune malsain et bilieux, des flingues, et la petite silhouette d’un mort-vivant en goguette (presque mignon, ceci dit). Cela sent bon (enfin, façon de parler) le roman de zombies ! Chouette alors, nous, depuis qu’on a commencé à regarder The Walking Dead, on adore ça !

La nuit a dévoré le monde commence un soir, à Paris, dans un quartier bobo, au sein d’un appartement cossu blindé de gens pseudo-importants. Antoine Verney se demande bien ce qu’il fait là, car au milieu de tous ces gens, il se sent bien minable. Mais sa présence à cette soirée va finalement lui sauver la vie. Le lendemain matin, Antoine se réveille dans une des pièces de l’appartement… et celui-ci a été dévasté pendant la nuit. Du sang macule le plancher, les murs, même le piano. Il n’y a pas âme qui vive, en revanche, il y a un corps décapité qui traîne. Dans les rues, la police essaie de lutter contre des hordes de cannibales increvables. Ils perdent vite la partie. Antoine demeure seul au troisième étage de son immeuble, à observer les zombies prendre peu à peu le pouvoir dans Paris.

La nuit a dévoré le monde

Ah, l’éternel thème de l’apocalypse zombie, on ne s’en lasse pas ! Mais ici, Martin Page s’intéresse plus aux conséquences de l’effondrement de la société qu’à la manière d’éventuellement de la sauver. Antoine est seul et doit survivre. Il nous fait part de ses difficultés au quotidien : il faut recueillir de l’eau, trouver à manger, consolider les issues vers l’extérieur, évacuer ses déchets. Mais surtout, il faut tromper la solitude. Le silence devient vite oppressant. Antoine ferait tout pour rester humain, garder une consistance : privé du regard des autres, Antoine a l’impression de disparaître. Pour se sentir vivre, Antoine est prêt à tout, adopter un rosier, parler aux oiseaux, mais également risquer sa vie pour toucher un zombie. La dimension psychologique indéniable du récit fait du roman de Martin Page un récit très réaliste. Par une mise en abîme étonnante, Antoine, auteur, se fait lecteur à son tour et se plonge dans ce qu’il appelle de la science-fiction : Dickens ou Jane Austen… Car dans un monde dévasté, ce qui est décrit dans les romans dits réalistes semble bien absurde… Et, autre mise en abîme, Antoine se fait le porte-parole de la littérature de genre, souvent méprisée par le microcosme parisien qui peuplait justement l’appartement bobo du début du roman.

Le récit est assez lent, mais il nous permet justement de nous immerger pleinement dans le quotidien du narrateur. Une expérience de lecture étonnante, et plutôt sympathique.

La nuit a dévoré le monde, Pit Agarmen (Martin Page). J’ai lu, 2014.

Par Emily Vaquié

A propos Emily Costecalde 1154 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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