Autant en emporte le vent, best-seller de l’année 1936, a déjà fait l’objet de plusieurs romans secondaires des années après la publications du roman originel. Après Alexandra Ripley (Scarlett), c’est Donald McCaig qui se penche sur l’univers imaginé par Margaret Mitchell, tout d’abord avec Le Clan Rhett Butler en 2007 puis avec Le Voyage de Ruth en 2014.
Si on ne présente plus ni Scarlett O’Hara, ni Rhett Butler, le couple d’amants maudits, le nom de Ruth ne vous dit probablement rien. C’est à la mama noire de Scarlett que Donald McCaig redonne vie dans un roman délicieusement dense, qui court tout au long du XIXe siècle. L’imposante domestique incarnée à l’écran par l’inoubliable Hattie McDaniel (oscarisée pour le rôle) se révèle dans ses pages comme femme, épouse et mère, derrière le masque de l’esclave fidèle et obéissante. Nous découvrons l’incroyable d’histoire de cette petite fille rescapée d’un massacre à Saint-Domingue et recueillie par le couple Fornier, des Français venus chercher fortune aux Antilles. Alors sans enfant, Solange Fornier traite Ruth de manière ambiguë, plus comme un petit animal domestique que comme une esclave, avec fermeté mais également une forme d’amour. A ses côtés, Ruth vit le début du XIXe siècle, à Saint-Domingue puis à Savannah : le lecteur est plongé dans les tourbillons de l’Histoire. Il est question des deux révolutions (française et américaine) encore fraîches dans les esprits, de guerres napoléoniennes, de révoltes des esclaves… Savannah, ville toute récente, a encore ce charme un peu rugueux des toutes jeunes colonies.
Grâce à la vie de Ruth chez les Fornier, le lecteur découvre deux mondes très différents : celui des esclaves, et celui de la bonne société française aux Etats-Unis. Avec un pied dans ces deux mondes, Ruth est une observatrice privilégiée : aux cancans des familles aisées de Savannah, puis de Charleston où Ruth s’installera à l’âge adulte, peuvent succéder des pages souvent terribles sur la condition des esclaves dans le sud étasunien. Ruth vivra des choses très difficiles. On lui ôtera tout. On l’humiliera. Elle perdra la plupart de ses proches. Mais toujours, elle gardera la tête haute. Et un jour, elle deviendra la « Mama » de Scarlett O’Hara.
Les amateurs de romans historiques ne pourront que se réjouir : Donald McCaig nous livre le formidable portrait de toute une époque, mais également de deux femmes d’exception. Nombreux sont les personnages intéressants dans ce roman, mais seuls deux nous marquent durablement. Ruth, bien sûr, est l’un d’eux. Entière, courageuse et généreuse, Ruth traverse le siècle et si elle trébuche souvent, elle ne s’effondre jamais. Solange Escarlette est l’autre grande figure féminine du roman. Cette bretonne farouche et prête à tout pour s’en sortir fut ce qui se rapprochait le plus d’une mère pour Ruth. Elle aurait pu être l’épouse d’un fils cadet à Saint-Malo et vivre dans l’ombre de sa famille, éternellement frustrée, aux horizons limités. Avec son époux, ils décident plutôt de faire fortune sur une lointaine plantation familiale. Mais les événements de Saint-Domingue secouent les Fornier, et grâce à l’ingéniosité (et, oui, le côté un peu sournois de la jeune femme, disons-le tout net) de Solange, le couple parvient à commencer une nouvelle vie aux Etats-Unis.
Le lecteur a hâte de savoir comment Mama va se retrouver à Tara. Il frémit d’aise quand il croise les premiers indices : une référence aux frères O’Hara ici, au vieux Monsieur Butler là. Mais, si l’on pouvait légitiment craindre que le roman de Donald McCaig ne soit qu’un produit dérivé du célèbre roman de Margaret Mitchell, Donald McCaig arrive à faire du Voyage de Ruth un grand roman à part entière, qui peut tout à fait se lire indépendamment.
Suis en pleine relecture d’Autant en emporte le vent et comme ce livre est dans ma PAL, je pense qu’il suivra de près pour prolonger le voyage.
En tout cas, ton avis donne envie 🙂
Ah, il faut vraiment que je lise Autant en emporte le vent pour pouvoir par la suite me plonger dans celui-ci! =)