Ce n’est pas un motif heureux qui amène Lucine à Port-au-Prince : la jeune fille vient de son village de campagne pour annoncer le décès de sa sœur à un homme qui, autrefois, l’a aimée. Mais cette confrontation avec la ville est une véritable révélation pour la jeune femme : elle y a vécu des heures intenses autrefois, au plus fort des manifestations étudiantes, lorsque la violence régnait sur les rues de la ville. Hors de question désormais de retourner au village, où ne l’attend que la perspective d’une vie de dévouement auprès des enfants de sa sœur…
Elle trouve refuge dans une ancienne maison close, auprès d’un groupe d’amis unis par leurs souvenirs. Mais bientôt, la terre gronde et le chaos gagne Haïti : la mort devient alors une douloureuse réalité. Tout bascule en quelques instants.
Laurent Gaudé rend un hommage vibrant à Haïti et écrit de magnifiques pages sur cette île que le lecteur croit voir en transparence des mots : grâce à de subtiles descriptions, et à une atmosphère parfaitement rendue, le lecteur a l’impression d’être le dernier convive à se joindre aux joueurs de dominos de chez Fessou, d’être accueilli, attendu. La première partie est une longue mise en place pendant laquelle nous attendons le drame, la terre qui tremble, les maisons qui s’affaissent, les vies qui s’envolent… La description du sinistre est troublante de réalisme et l’occasion de belles pages de littérature. L’écriture est poétique, lancinante, et le récit touche au folklore, frôle le fantastique : les morts et les vivants se donnent la main dans une étrange danse. Heure par heure, Laurent Gaudé joue avec les destins : nous suivons nos personnages, mais croisons également des inconnus frappés par le malheur. Le roman culmine avec une étrange procession, dans une scène d’une beauté indicible.
Les personnages sont touchants, terriblement humains : abîmés par la vie, ils restent capables du plus beau geste, celui de la solidarité.
C’est un très beau texte, à découvrir aux éditions Actes Sud.
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