Un roman incontournable : Home

Home, Toni Morrison. Christian Bourgois

La sortie d’un nouveau livre de Toni Morrison constitue toujours un événement. Ce dixième roman, sorti à la rentrée 2012, court et percutant, ne faisait pas exception à la règle et était très attendu. Servi par une traduction impeccable, il ne déçoit pas et montre que, bien loin de s’essouffler, Toni Morrison reste au sommet de son art.

Frank « Smart » Money est un jeune Noir dans l’Amérique des années 50. Il revient de la guerre de Corée, dont il garde des séquelles morales terribles. Il y a vu la mort de près, notamment celle de ses amis d’enfance, avec qui il avait fui l’ennui de Lotus, leur ville natale. Un jour, on lui annonce que sa sœur, la prunelle de ses yeux, est la victime des expériences d’un médecin blanc qui la tue à petit feu. Le voilà sur les routes de Géorgie pour la sauver.

Récit fort et violent, Home nous plonge dans l’Amérique de la Ségrégation, des lois Jim Crow et de la guerre de Corée. Par les yeux de Frank, le lecteur effaré découvre une réalité choquante mais tristement véridique, du « separate but equal » aux actes innommables du Ku Klux Klan. Alors que Frank traverse les États-Unis, le racisme alors quotidien se dévoile, à travers notamment les difficultés du jeune homme à voyager. Il en fallait alors peu pour se retrouver emprisonné sous prétexte de vagabondage, et être refoulé à un restaurant ou un hôtel était souvent le moindre des maux. La violence est inscrite dans les mots, parfois très durs, et dans les corps. Cee, jeune sœur de Frank, est notamment mutilée par un médecin qui abuse de sa confiance pour mener à bien ses expériences. Les voix se croisent, mais l’impression d’oppression, de danger, est la même.

Frank a donc quitté la Corée et l’horreur de la guerre pour se retrouver immergé dans une violence plus pernicieuse, plus vicieuse, omniprésente. Les pensées du jeune homme dérivent parfois vers ses souvenirs du conflit, et tout particulièrement vers la mort de ses camarades, et se muent souvent en véritables crises d’angoisse. L’absence se fait presque palpable, et la mort obscurcit tout. Seule véritable lueur d’espoir du roman, la relation entre Frank et sa sœur est au cœur du récit. L’attachement profond que le jeune homme voue à sa sœur est lumineux et pourra lui permettre de se reconstruire. A Lotus, ils pourront reconstruire un foyer.

Le roman de Toni Morrison est à peine plus long qu’une nouvelle mais cette brièveté lui confère une puissance rare, grâce à des scènes à la limite du soutenable et à un style toujours plus percutant. Grand roman, Home était probablement l’incontournable de la rentrée littéraire de 2012. Cette grande dame de la littérature américaine avait d’ailleurs illuminé le festival America cette année-là.

Home, Toni Morrison. Christian Bourgois, 2012. Le livre de poche, 2013 Traduit de l’anglais par Christine Laferrière.

A propos Kévin Costecalde 305 Articles
Passionné par la photographie et les médias, Kévin est chef de projet communication. En 2012, il a lancé le blog La Minute de Com, une excellente occasion selon lui d'étudier les réseaux sociaux et l'actualité. Curieux et touche-à-tout, Kévin aime les challenges, les voyages et l'ironie.

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