Neverhome, dans la fièvre de la guerre de Sécession !

ROMAN HISTORIQUE — Ce n’est que près de deux mois après ma lecture que je me lance dans l’écriture de ma chronique sur Neverhome. J’ai tardé, mais ce n’est pas parce que je ne l’ai pas aimé. Bien au contraire, Neverhome m’a touchée en plein cœur.

Le récit de Laird Hunt se clôt en effet sur des pages extrêmement émouvantes : une digne conclusion à un roman sensible et intelligent. Difficile après une telle fin de se poser et d’en parler simplement, avec distance. Il faut une période de transition, de deuil. Mais me voilà prête, enfin, à vous en parler.

Neverhome nous transporte dans l’Amérique d’antan, celle du XIXe siècle. Constance et son mari Bartholomew coulent des jours heureux dans une ferme de l’Indiana. Mais la guerre vient frapper à leur porte : nous sommes en 1861 et la Guerre de Sécession vient de débuter. Pour Constance, une évidence s’impose : jamais Bartholomew, le rêveur, le romantique, le délicat ne pourra survivre à la réalité du conflit, à la boue, au sang, aux explosions. Constance, elle, est forte, pragmatique et prête à en découdre, elle a l’âme d’une survivante. Elle endosse donc un uniforme militaire et rejoint les rangs des Confédérés sous le nom d’Ash Thompson.

Aux côtés de Constance, le lecteur va jusqu’aux confins de l’enfer. Il suit cette héroïne androgyne dans les tranchées de boue, observe avec elle les hommes tomber au combat, les membres mutilés, les champs dévastés. Forte d’une écriture très visuelle, sans jamais être pourtant inutilement violente, l’histoire de Constance se pare d’échos universels. Les camps de l’armée, les champs de bataille et, enfin, les charniers s’imposent dans notre esprit et reconstituent la réalité d’une guerre qui a fait vaciller le pays tout entier.

Constance perd son régiment, et traverse des contrées presque oniriques : sous le coup d’un délire, dû à une vilaine blessure, elle voit des choses dont on ne sait si elles sont vraies ou non. Alors qu’elle chemine, déterminée à retrouver son mari, elle vivra d’étranges aventures qui la mèneront aux confins de la folie, à l’instar d’une escale horrifique dans un asile de fous où Constance devra ruser pour s’échapper. L’acte héroïque du début – sauver son mari et défendre ses idéaux – se noie dans la fièvre du traumatisme. Comment parvenir à oublier ces paysages de désolation et ces scènes terribles ?

Neverhome, Laird Hunt, Actes Sud,

Laird Hunt s’est emparé d’une histoire, ultra anecdotique au regard du déroulé de la guerre de Sécession mais tout de même très intéressante : il nous parle de ces femmes qui ont pris les armes et qui, déguisées en hommes, se sont battues d’un côté comme de l’autre. Mais au-delà, Neverhome nous parle du traumatisme de la guerre : c’est hantée par ce qu’elle a vu que Constance rentre chez elle. La guerre a modifié sa perception des choses : là où auparavant, elle aurait eu recours au dialogue, c’est la violence qui lui vient spontanément.

Neverhome est malgré tout un roman qui parle d’amour : celui, inconditionnel, que porte Constance à son époux, mais également celui qu’elle porte à sa mère défunte, à qui elle s’adresse fréquemment en pensée dans les moments difficiles. Au pire du conflit, Constance se raccroche à ces deux figures, et rêve du moment où elle pourra serrer de nouveau Bartholomew dans ses bras.

Avec Neverhome, Laird Hunt signe un roman magistral, d’une puissance rare. Un coup de cœur !

Neverhome, Laird Hunt. Actes Sud, 2015. Traduit de l’anglais par Anne-Laure Tissut.

A propos Emily Costecalde 1154 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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