Visages du livre #9 : Mathieu, graphiste dans l’édition

Visages du livres, Mathieu, graphiste

Sur Café Powell, nous avons décidé d’inaugurer un nouveau rendez-vous, intitulé « Visages du livre » qui nous permettra de mettre en lumière un métier du monde du livre, et plus tard, espérons-le, de la culture. Cette semaine, c’est Mathieu, graphiste dans l’édition, qui nous répond !

Visages du livres, Mathieu, graphiste

En bref, parles-nous un peu de ton métier ! Si tu devais le décrire à quelqu’un qui n’y connaît absolument rien, comment le pitcherais-tu ?

Tout ce qui est visuel (que ce soit imprimé ou numérique (TV, Web,…)) est le résultat du travail d’un graphiste (enfin normalement, quand des amateurs de s’improvisent pas graphistes) : logo d’entreprise, affiche publicitaire, emballage de produits de consommation, menu de restaurant… tickets de métro. Notre métier est avant tout un travail sur l’image et sur le texte : il vise à faire passer un message, une idée, de la manière la plus esthétique, claire et facile à comprendre possible. Pour prendre un exemple, le programme de cinéma : il s’agit d’un ensemble d’informations (nom du film, liste des acteurs/réalisateur, résumé, durée, horaires et dates de diffusion, …) à destination d’un spectateur potentiel. Imprimées sur un papier et hop, il suffit de lire après tout. Mais le graphiste lui doit faire en sorte que les informations soient claires, hiérarchisées, et que les plus importantes soient les plus visibles possible. Il va jouer sur la taille de la police, la couleur, l’espacement, rajouter des images, faire passer du texte à la ligne, créer des tableaux,… et également faire en sorte que ce soit « joli », agréable à l’œil.

Il en est de même dans l’édition : il doit faire en sorte que la couverture « raconte » une histoire au lecteur potentiel, qu’elle lui transmette des informations sur le genre littéraire, le type de public à qui il est destiné (âge, sexe, intérêts,…), tout en s’assurant que les informations textuelles (titre, auteur, éditeur, résumé) soient suffisamment visibles et lisibles, et que l’ensemble soit agréable à l’œil. Il faut donc, là encore, gérer l’image (illustration, logo titre, …) et le texte.

Il s’agit là du travail de base, travailler sur la couverture d’un livre, mais il a de nombreuses autres tâches annexes qui tournent autour de l’ouvrage : créer du matériel visuel pour la campagne de communication et marketing, comme par exemple des bannières publicitaires pour des sites web ou pour les réseaux sociaux, du matériel en points de vente, des goodies pour les lecteurs,…

À quoi ressemble une journée type de travail pour toi ?

Je n’ai pas vraiment de « journée type », disons plutôt que mon travail sur un ouvrage correspond à un cycle constitué de plusieurs étapes et s’étalant sur une certaine durée. Et comme nous sortons plusieurs ouvrages dans l’année, je travaille sur plusieurs cycles en même temps mais à des étapes différentes. Globalement les cycles sont divisés de cette façon :

  • 1 : présentation du titre en amont auprès des diffuseurs qui sont chargé de « vendre » l’ouvrage aux différents points de vente (travail préliminaire sur la couverture)
  • 2 : création de la couverture du livre
  • 3 : élaboration des différents éléments pour les services de communication et de marketing, en amont et en aval de la sortie du livre.

À tout cela s’ajoute du travail global pour la maison d’édition : préparation de visuels pour des réunions, pour des événements littéraires, travail sur le site internet de l’éditeur, …

Quels ont été ta formation et ton parcours ?

J’ai bien peur d’avoir eu un parcours trop atypique pour être représentatif de « la voie à suivre » : après mon bac je ne savais pas trop quoi faire de moi, si ce n’est que j’aimais l’art et la culture. J’ai alors commencé par faire une licence sans aucun rapport (ou presque) avec mon métier actuel : économie et gestion, option art, information et communication hypermédia à l’IMUS (Institut de management de l’université de Savoie) à Annecy. Ouf ! Qu’est-ce qui se cache derrière ce nom barbare ? Principalement une licence de communication axée autour de l’art contemporain et de l’évènementiel. Une licence très « générale » (comme beaucoup) qui permettait de découvrir pleins de sujets/aspects/métiers qui s’organisent autour de tout ça. On apprenait à monter un projet culturel, à rechercher des financements, des partenaires, à communiquer autour de l’évènement (aussi bien niveau texte/presse que design/graphisme), gérer les aspects économiques, des budgets,… Bref on survolait pas mal tout ça. C’était hyper intéressant, mais pas très formateur malheureusement (j’ai eu un cours de PAO de 2h, avec un « prof » qui nous expliquait que le pinceau servait à peindre, l’outil sélection, à sélectionner… bref vous avez compris). L’aspect super positif c’est qu’on pouvait réaliser des stages tous les ans alors j’ai pu expérimenter tout ça en vrai, et notamment en 2e année où j’ai fais un stage en tant que graphiste chez les éditions Soleil à Toulon, où j’ai pu travailler sur des couvertures de manga. Et ça a été une révélation ! J’adorais bosser, je ne m’ennuyais pas, je ne voyais pas le temps passer. Et du coup j’ai décidé d’en faire mon métier et de faire une vraie formation pour justifier tout ça.

Après une année sabbatique en Angleterre (pour speaker un better English), j’ai fais un master de design graphique à Paris. Je ne communiquerai pas le nom de l’école, ils ne méritent pas qu’on leur fasse de la pub ><. C’est le genre d’école privée qui demandent une certaine somme au moment de l’inscription mais qui ne dispense pas de réelle formation derrière… Le seul point positif c’était le côté alternance, qui m’a permis de me retrouver au sein d’une maison d’édition, au contact d’autres graphistes et j’ai appris avec eux, sur le tas. Ils m’ont embauché par la suite, et une fois entré dans le monde de l’édition (difficile d’accès), on navigue de maison d’édition en maison d’édition !

Donc en formation, je conseillerais plutôt des CAP/BTS qui sont beaucoup plus formateur techniquement que les écoles « supérieures » qui en réalité font des cours plus axés « théorie » et bla bla. Ce qui ne sert pas à grand chose en pratique !

As-tu des conseils à donner à quelqu’un qui souhaiterait devenir également graphiste ?

Même si c’est très tentant d’avoir sur le CV un niveau « master », rien de vaut la formation technique ! Privilégiez donc des CAP ou BTS, et orientez-vous par la suite, si vous en avez les moyens et les capacités, vers des écoles reconnues, comme bien évidemment l’école des Gobelins, l’ENSAD, Estienne, Penninghen, Émile-Cohl,… N’hésitez pas à bien vous renseigner sur le niveau de la formation en allant voir sur les forums, en contactant d’anciens élèves,…

Et pratiquez ! Beaucoup ! N’hésitez pas à vous familiariser avec les logiciels de la PAO (Illustrator, InDesign et Photoshop) en réalisant des travaux personnels (qui vous permettront en plus d’enrichir votre portfolio). Et soyez curieux, regardez ce qui se fait ailleurs en termes de design et d’esthétique. Il vous faudra bien connaître les codes des différents univers/types de public/types de support/types de médias pour lesquels vous aurez à créer pour pouvoir être réactif et créatif.

Quelles sont les idées reçues que tu entends le plus sur ton métier ? Celles qui t’énervent comme celles qui te font rire ?

On pense souvent que mon travail consiste simplement à poser différents éléments les uns à côté des autres, de faire « juste » de la mise en page, et hop, c’est fini limite en appuyant sur un seul bouton… Non ! Derrière mon métier il y a de la réflexion, de la création, de la maîtrise technique d’outils informatiques relativement complexes et la constante recherche et mise à jour d’une « base de données » mentale qui centralise les fameux codes graphiques dont je parlais plus haut.

Sinon en anecdote rigolote, on m’a un jour demandé ce que je faisais dans la vie, et après avoir répondu que j’étais graphiste, on m’a demandé sur quel mur je travaillais… Graphiste≠graffeur !

Quels sont tes livres de chevet ? Ceux que tu conseillerais absolument, comme ceux que tu lis en ce moment ?

Je n’ai pas de table de chevet (pas la place), mais en ce moment je lis Wicked/Son of a Witch et j’attends A Wrinkle in Time. Sinon je conseillerais À la croisée des mondes (« bien sûr ! », pour ceux qui me connaissent), et j’ai récemment découvert Tobie Lolness que j’aurai aimé connaître bien plus tôt et qui est simplement magnifique, et également Les Thanathonautes de Bernard Werber. Si la suite est plus discutable, ce premier tome était vraiment très philosophique/théologique et m’avait beaucoup plu.

Quel genre de lecteur es-tu en règle générale ? Quel genre de détails graphiques te font craquer en librairie ?

Je suis un lecteur compulsif. Je peux lire tout et n’importe quoi du moment que c’est à portée de main. Et même si un roman de m’emballe pas particulièrement, du moment que je ne l’ai pas détesté je suis prêt à lire la suite, juste pour savoir comment ça se termine (sinon ça reste dans un coin de ma tête, comme un truc inachevé).

Comme acheteur ? Compulsif aussi ^^. J’aime beaucoup les éditions reliées (plus solides et plus « classes » dans une bibliothèque je trouve), avec de nombreuses finitions de fabrication (ça parle à mon petit cœur de graphiste) mais il suffit qu’une couverture soit magnifique (sans être forcément complexe) pour que je craque. Bref une couverture bien travaillée.

Visages du livres, Mathieu, graphiste

Pourquoi avoir voulu te lancer dans l’aventure du blog ?

Ah, la question qui risque de me fâcher avec certaines personnes… La plupart des blogueurs vont diront que c’est parce qu’ils aiment les livres, la lecture et qu’ils avaient l’envie de partager leurs lectures avec des gens, et qui sait leur faire découvrir des livres merveilleux. Et c’est vrai ! C’est exactement ça ! Mais pour être tout à fait honnête, et je pense que c’est aussi le cas de beaucoup d’entre nous même si peu l’avoueront, il y a un autre aspect. Lire est un passe temps, une passion qui coûte cher, et si, en obtenant une certaine visibilité sur le web, on peut également attirer l’attention d’éditeurs et obtenir des livres gratuitement en échange de chroniques, c’est gagnant-gagnant ! Je ne vais pas vous mentir, si j’ai effectivement envie de partager mes lectures avec d’autres personnes, de discuter d’un livre en commun, de travailler ma capacité d’écriture (et je doute beaucoup de la qualité de ma « plume ») et que lorsqu’un de mes lecteurs me dit que j’ai réussit à le convaincre de se plonger dans un roman que j’ai chroniqué, ça me fait extrêmement plaisir ! Mais j’espère aussi à côté que mon blog me permettra de soulager un peu mon porte-monnaie, et de découvrir des titres que je n’aurais peut être jamais sélectionnés autrement !

Voilà ! cartes sur table !

Un grand merci à Mathieu pour le temps qu’il nous a consacré ! Nous vous invitons à découvrir son blog.

A propos Emily Costecalde 1154 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

5 Commentaires

  1. Bonjour ! C’est un métier qui m’intéresse beaucoup, est-ce que c’est difficile d’être embauché en tant que graphiste ? (le secteur qui m’intéresse le plus c’est les maisons d’éditions, c’est comme ça que j’ai trouvé cet article)

    • A priori, beaucoup de graphistes sont freelance. Vous pouvez contacter Mathieu via son blog, je suis sûre qu’il vous répondra avec plaisir plus en détails.

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