BIOGRAPHIE — En 2014, Marie Desplechin va, pour la première fois, au Cambodge, où elle va suivre le travail des équipes de Sipar, menées par Sothik. Sipar est une association qui promeut la lecture et lutte contre l’illettrisme depuis plus de 25 ans, dans toutes les régions du Cambodge. Objectif : faire du livre un levier d’éducation, le porter et le rendre accessible aux populations les plus démunies. Sur place, Marie Desplechin a suivi le travail des équipes et fait la connaissance de Sothik ; à la fin d’un séjour de trois semaines, celui-ci a raconté à Marie son enfance au Cambodge : il en résulte ce livre, que Tian a accepté d’illustrer.
Sothik est né en 1967, dans un Cambodge déjà en pleine tourmente : il a 3 ans lorsque la guerre civile fait rage, 8 lorsque les Khmers rouges prennent le pouvoir. Et c’est surtout sur cette partie-là que se concentre le récit rapporté par Marie Desplechin. On suit l’arrivée des Khmers rouges et la façon dont ils bouleversent et ruinent tant le pays que la vie de ses habitants.
Du jour au lendemain, tout change au Cambodge : l’argent est aboli, les livres sont systématiquement détruits, la religion et les traditions interdites, la propriété privée et les familles n’existent plus.
Pour prouver leur obéissance au nouveau régime, Sothik et sa famille – comme tous les autres – quittent leur maison en laissant tout derrière eux. Ils sont regroupés dans des maisons communes, où ils s’entassent à plusieurs familles.
Mais ça ne suffit pas aux Khmers : les enfants sont enlevés à leurs parents et le régime prend leur « éducation » en main. Pas de lecture ni d’écriture, évidemment, mais des travaux en groupe, récompensés par des coups et une famine organisée par les institutions.
Le récit, fait à la première personne, nous permet de mieux cerner toute l’horreur du processus ; l’histoire est narrée de façon assez simple, ce qui la rend très abordable pour les jeunes lecteurs. Les tenants et aboutissants de cette période historique, quant à eux, sont également bien explicités – par le Sothik adulte, évidemment – ce qui nous permet de naviguer au mieux dans les méandres de cette histoire plus que troublée.
Mais ce qui est passionnant, c’est que notre narrateur a réussi à garder cette espèce d’insouciance enfantine qui perdure, malgré des circonstances difficiles. Ainsi, malgré tout, ces enfants jouent, s’amusent, trouvent des petites combines pour tromper tant l’ennui que l’ennemi. Le tout avec une sorte de détachement tranquille qui prouve à quel point fonctionne le lavage de cerveau ; c’en est terrifiant.
Les illustrations de Tian traduisent à merveille cette enfance menée sous pression, volée par un régime tyrannique.
En 100 courtes pages, Marie Desplechin, Sothik et Tian livrent un incroyable récit biographique qui lève le voile sur ce qu’ont vécu les Cambodgiens, et notamment les enfants, sous le règne des Khmers rouges. Le texte étant très abordable, c’est un récit à mettre entre toutes les mains car petits et grands doivent savoir ce qu’il s’est passé durant ces années noires.
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