ROMAN ADO MAIS PAS QUE — Quand on lit le nom de Marie-Aude Murail sur la couverture d’un roman, on sait qu’en général, on peut y aller en toute confiance : on sera entre de bonnes mains. Comme bien des lecteurs désormais adultes, mon adolescence a été bercée par ses histoires, du célèbre Oh, boy ! aux aventures du détective Nils Hazard… Sauveur & Fils, je l’appréhende cette fois avec un regard d’adulte. Quel est donc le verdict ?
Force est de constater qu’avec Sauveur Saint-Yves, Marie-Aude Murail a livré au panthéon de la littérature adolescente un nouveau héros à choyer. Héros réaliste, qui brille par son humanité (aux deux sens du terme, car il est aussi bien sensible que faillible), Sauveur Saint-Yves est psychologue clinicien. Dans son cabinet, notre quadragénaire voit défiler bien des adolescents malheureux, qu’il essaie d’aider du mieux qu’il peut. D’un côté, nous suivons donc ses jeunes patients : Margaux, qui se scarifie, Ella, en pleine phobie scolaire, Gabin, dont la mère semble perdre pied ou encore Cyrille, qui fait encore pipi au lit à neuf ans… Mais ce n’est pas parce que Sauveur est psy qu’il est lui-même exempt de problèmes : il a ainsi du mal à communiquer avec son propre fils, Lazare, huit ans, notamment sur la mort de la mère de l’enfant…
C’est une véritable famille d’adoption que se trouve le lecteur quand, au fil des pages, Sauveur se constitue une petite tribu joyeusement improbable, à laquelle il est difficile de ne pas s’attacher. Car bientôt, d’autres personnages viennent se greffer au noyau originel : Gabin, l’adolescent esseulé, le petit Paul, meilleur ami de Lazare, et, de fil en aiguille, sa maman, Louise, fraîchement divorcée. Mais le bonheur repose sur un équilibre fragile, et tout peut basculer en un instant. Former une famille recomposée n’est pas chose aisée, cela demande de la patience et des compromis. Le message de cette nouvelle série signée Marie-Aude Murail est résolument optimiste : malgré les obstacles, même si ça prend du temps, on finit par y arriver.
On sent que l’auteur s’est minutieusement documentée avant d’écrire ses romans, tant sur les pathologies de ses jeunes patients que sur ce qui parle aux jeunes aujourd’hui : on sent un souci du détail, une volonté d’ancrer son récit dans le réel, grâce à de nombreuses références à l’actualité, aux réseaux sociaux ou aux stars qui font rêver les jeunes. Elle aborde la plupart des problèmes qui peuvent malheureusement plomber les adolescents d’aujourd’hui : divorce des parents qui se passe mal, difficulté à accepter le nouveau conjoint, parent absent ou défaillant, harcèlement scolaire ou sur la toile, difficultés à s’accepter… Face à ce mal être, Sauveur essaie de comprendre, d’aider. Résultat : ça sonne juste, ça sonne vrai, et on sort de ces romans requinqués, ravis de voir, même en fiction, autant de bienveillance…
Mais comme nous le disions plus haut, Sauveur n’est pas un surhomme : il a ses défauts, ses craintes, ses failles. Il n’est pas parfait, ce qui le rend d’autant plus crédible. Il ne ressemble en rien à l’image que l’on se fait d’un psychologue, si ce n’est qu’il est à l’écoute, et qu’il répète volontiers ce que vient de lui dire le patient ! Ce n’est pas un psy conventionnel… D’ailleurs, avez-vous déjà entendu parler d’un psy qui pratique la « hamsterothérapie » ? Non ? Eh bien, si vous voulez savoir ce que c’est et pourquoi, accessoirement, il y a un hamster sur le visuel de couverture du tome 1, et même plusieurs sur celle du tome 2, il va vous falloir vous plonger dans cette série feel-good, qui nous prouve une nouvelle fois que Marie-Aude Murail nous livre des romans précieux, dont on ressort grandi, et qui peuvent se découvrir à tout âge.
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