CINÉMA — Après le succès de L’Enquête corse et de Bienvenue chez les Ch’tis, l’industrie du cinéma français était en manque d’un bon navet régional inédit. Grâce à Ludovic Bernard, et après ses collègues du nord et du sud-est, le Pays basque a désormais le sien : Mission Pays Basque, un titre qui en dit déjà long sur l’inspiration des scénaristes.
C’est donc l’histoire de Sibylle, jeune commerciale parisienne aux dents longues et à l’éthique aléatoire, qui est envoyée au Pays Basque afin de racheter une misère la quincaillerie du vieux Fernan – dans le but même pas déguisé de la remplacer par une chaîne de supermarchés qui tuera les petits commerces. Comme elle a plus d’un tour – et d’une liasse – dans son sac, elle arrache au vieil homme une promesse de vente moyennant un joli pactole issu de la caisse noire. L’ennui, c’est que le vieillard est sous curatelle et ne peut donc pas vendre son bien – qu’il compte de toute façon garder.
Revoilà donc la jeune donzelle, à sa grande joie, en Bousie profonde pour négocier avec Ramun, le neveu, dans l’espoir de signer enfin la vente – et de sauver son poste. Et si le papi était malléable, le neveu, lui, n’a pas du tout l’intention de se laisser marcher sur les pieds par une citadine bornée. Elle va donc devoir ramer.
Le résumé laisse, il est vrai, peu de place au doute : ça va être simple, pour ne pas dire simpliste. Et, de fait, ça l’est. Alors que Sibylle revient avec ses papiers et son jeune futur beau-frère en guise de stagiaire, on sait d’ores et déjà qu’elle va en voir des vertes et des pas mûres, se fourrer dans des situations dont le réalisme laissera à désirer et vivra des péripéties dont l’intérêt sera discutable. Et ça ne rate pas !
Les clichés se suivent comme les piments sur leur cordelette : le neveu est, bien entendu, un ex-taulard. Évidemment, un Basque pas lié au terrorisme, ce serait un peu comme un Mojito sans rhum, voyez-vous : d’après la prod’, qui en sait long, ça n’existe pas. Ce qu’il y a de bien, c’est que dans le doute, ils ont brassé large et que les musulmans en prennent, au passage, plein la poire : après tout, il aurait été dommage de ne pas jouer à fond la carte du cliché bas du front.
L’histoire se passe dans les Pyrénées ? Forcément, Sibylle tombe sur un ours. C’est vrai qu’à cet endroit-là, c’est fréquent. A la limite, quitte à aller traîner ses basques à Zugarramurdi, il eut fallu caser une sorcière dans l’histoire, au moins ça aurait été raccord – mais non, même pas. Il faut dire que ce n’est pas évident de passer derrière Alex de la Iglesia.
Est-il nécessaire de préciser qu’au fil de l’action, Sibylle va s’énamourer de son beau brun ténébreux (célibataire, comme c’est pratique), s’acheter une conscience, découvrir qu’elle était pétrie de préjugés et apprécier la vie campagnarde ? On se le demande car, entre l’affiche et le résumé, il était difficile de ne pas les voir venir. On n’échappe donc pas à l’inévitable romance insipide entre les protagonistes, qui semble être un passage obligé des comédies de l’été et dont la mièvrerie, ici, pulvérise celle d’un roman de gare – mais reconnaissons-là le talent des scénaristes, à ce stade, c’est de l’art. Du côté de la mission de Sibylle, on n’a guère mieux à se mettre sous la dent : c’est long, c’est poussif, et les gags méritent, au mieux, un sourire sarcastique, tant l’ensemble est navrant. Et on ne se rattrape pas avec le jeu des acteurs, manifestement peu convaincus par leur feuille de route.
Difficile, du coup, de se passionner réellement pour l’intrigue, aussi cousue de fil blanc que les espadrilles que vend Ramun – car tant qu’à faire cliché, le bouseux fabrique effectivement des sandales, après sa carrière terroriste. Il n’y a pas à dire, l’ETA a des plans de reconversion qui feraient pâlir d’envie Pôle Emploi. Ha, et tant qu’à faire, l’ami Ramun arrondit les fins de mois en chantant Luis Mariano. C’est bien connu, après lui, la vie musicale de la région s’est arrêtée, sans doute par peur de renier son héritage – à titre informatif, le ténor est mort en 1970. Autant dire il y a un demi-siècle. Mais à ce stade, j’imagine qu’on n’était plus à un cliché près.
Au bout d’une grosse et pénible heure, on arrive donc enfin à la conclusion inévitable de ce cauchemar manifestement imaginé sous LSD : la Parisienne repentie revient à la campagne qu’elle a tellement mal jugée, plaque son boulot chiant mais lucratif (et son futur mari plein aux as pour le bouseux, il va sans dire) pour aller vendre les produits des petits producteurs, dans la plus pure tradition bio-bobo-écolo des quartiers branchouille dont elle est issue. Après une telle succession de poncifs, il eût été dommage de se fendre d’une conclusion pertinente et bienvenue : celle-ci est donc à l’image du film, d’une banalité sans nom et dégoulinante de bons sentiments. Un film qui ne restera donc pas dans les annales du 7e art.
Argh piètre image de Pays Basque que j’ai pourtant tellement envie de découvrir !
Mais queeeeelle idée d’être allée le voir, aussi ! Ça sentait le navet à 20 bornes ! 😀
Courage…