ROMAN ADO — Des dystopies, depuis Hunger Games ou Divergente, il y en a à foison. Celle-ci, signée Sharon Cameron, nous a intrigués car elle mettait en scène une ville entière plongée dans l’oubli tous les douze ans. Pourquoi ses habitants perdent-ils la mémoire à intervalle régulier ? Pour le découvrir, nous avons ouvert La Cité de l’oubli. Mais ce n’était pas franchement une très bonne idée.
Nadia mène à Canaan une vie très simple, où chaque habitant a un rôle bien défini. Ainsi, Nadia est la fille de la teinturière, mais l’adolescente doit encore choisir sa propre voie. Elle vit avec sa mère et ses deux soeurs dans une ville où chacun oublie qui il est tous les douze ans. Pour pallier cette perte de mémoire inéluctable, chacun tient un journal, dont il ne se sépare jamais.
Mais Nadia, elle, se souvient. Elle se souvient par exemple que son père a profité du dernier oubli pour prendre la fuite et les abandonner. Mais ces souvenirs pourraient la mettre en danger, aussi garde-t-elle le secret. Comme elle garde le secret de ses excursions de l’autre côté du mur qui entoure de manière hermétique la cité, où personne ne doit s’aventurer…
La Cité de l’oubli était une dystopie plutôt prometteuse : l’idée de l’oubli récurrent, et l’importance de l’écrit, la manière dont l’Histoire peut être remaniée, juste en modifiant les textes… tout ceci est vraiment intéressant à observer, et forme une excellente base à une dystopie. Imaginez un peu une société où chacun vit avec un livre accroché à son poignet, un livre qui raconte sa vie dans le moindre détail. Chaque chose consignée par écrit prend un poids officiel : l’écrit scelle les unions et les séparations, lie les familles et les amis. À chaque oubli, les habitants lisent leur livre, et peuvent reprendre leur vie, ou repartir de zéro, selon ce qu’ils ont inscrit dans leur journal : on peut ainsi se réinventer totalement ! C’était bien vu de la part de Sharon Cameron !
Malheureusement, le reste est plus ou moins cousu de fil blanc : c’est une histoire comme on en a déjà lu mille, avec ses dirigeants tyranniques à qui le pouvoir est monté à la tête, ses visions eugéniques, son mur d’enceinte que personne ne franchit jamais sauf les héros courageux, ses mystères ancestraux que des adolescents arrivent rapidement à percer et, bien sûr, son bellâtre aux abdominaux parfaitement dessinés. Nadia, c’est forcément cette fille discrète et timide qui ne se rend pas compte de sa grande beauté (alias le syndrome Bella Swan), elle a forcément une petite soeur incroyablement sympa (coucou Katniss Everdeen), et elle craque forcément pour le beau voisin, non sans une période d’antipathie féroce (il ne faudrait pas, après tout, que ça soit trop évident qu’ils se kiffent. Raté !). Plusieurs fois, j’ai envisagé d’arrêter les frais, mais la curiosité a été la plus forte : je voulais tout de même savoir pourquoi les habitants de Canaan oublient leur vie tous les douze ans. Le pourquoi de l’oubli est un peu décevant, mais la raison d’être de Canaan même est plutôt bien trouvée, à défaut d’être pleinement originale. On tiquera cependant sur des détails qui auraient mérité d’être davantage expliqués, plutôt qu’assénés sans contexte (c’est comme ça et pas autrement !).
En somme, c’est finalement une dystopie poussive que nous livrent les éditions Nathan. Il y avait pourtant de bonnes choses au programme, mais l’auteur a préféré utilisé des ressorts déjà vus et revus, ad nauseam. On échappe au moins au triangle amoureux, mais n’est-ce pas triste de devoir s’en réjouir ? Dommage, donc.
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