Fandom : le pire cauchemar des fans de dystopie !

Fandom, Anna Day, PKJ

YOUNG-ADULT — Inutile de le nier : sur les étals des libraires, les dystopies young adult sont légion. Nous les avons lues, et appréciées pour la plupart. Certaines sont devenues de vraies références pop culture : Hunger Games et Divergent en tête. Alors, c’est avec beaucoup de plaisir que nous avons découvert le récit d’Anna Day, qui est parvenue à prendre du recul sur le phénomène avant d’en livrer son interprétation toute personnelle : Fandom.

Le titre en lui seul est évocateur : Fandom. Tous les lecteurs férus de dystopies, ceux qui sont à fond, se cosplayent, écrivent des fanfictions, ne vivent que pour leurs héros. C’est le terreau fertile dans lequel Fandom trouve sa source. Anna Day a imaginé une idée toute simple et pourtant radicale : et si un de ces lecteurs passionnés se retrouvait subitement prisonnier de l’univers de son roman préféré ? Que se passerait-il ? C’est ce qui arrive à Violet, l’héroïne de Fandom. Grande fan du roman La Danse des pendus, elle se rend au Comic Con avec son frère Nate et ses amies Katie et Alice pour rencontrer les acteurs de l’adaptation de son livre préféré. Sauf qu’un accident survient, et qu’au lieu de se réveiller à l’hôpital, Violet et ses amis se retrouvent dans La Danse des pendus. Forcément, leur connaissance du récit leur permet d’avoir un regard très différent sur les mésaventures qu’ils vivent, c’est le moins qu’on puisse dire ! Bonus, Anna Day a pensé à intégrer à la petite trouve un personnage, Katie, qui n’a pas lu le roman, et qui préfère clairement Shakespeare à Veronica Roth ou Suzanne Collins, ce qui lui permet d’intégrer des remarques assez critiques au récit. Avouons-le, ce que se dit Katie, on l’a aussi souvent pensé : olala, ce qu’ils tombent amoureux vite dans ces romans ! Ce que le gouvernement est toujours pourri jusqu’à la moelle... et ainsi de suite. C’est extrêmement rafraîchissant. Violet, elle, et son frère Nate, s’inspirent de grandes héroïnes du genre pour se donner du courage : sois forte comme Tris, valeureuse comme Katniss… et courageuse comme Rose, l’héroïne de La Danse des pendus, que Violet, malgré elle, va devoir remplacer…

Fandom, Anna Day, PKJ

Chargé en références, mais non dénué d’une critique parfois gentiment acerbe, le roman d’Anna Day contient donc trois histoires en une : celle de La Danse des pendus qui est loin d’être révolutionnaire, et, de l’aveu des personnages, parfois « gnangnan », celle de Violet et de ses amis, fans du genre, et la rencontre électrique entre les deux mondes : Violet, adolescente londonienne comme les autres, transportés dans un futur clivé, apocalyptique… en un mot, dystopique. Fandom joue donc avec le canon de la dystopie, utilise donc certaines les ficelles les plus usées du genre, mais le fait en toute connaissance de cause, avec un regard extrêmement lucide. Bien sûr, on ne coupera ainsi pas à la romance, qui se développe forcément très rapidement. Mais ladite romance est extrêmement satisfaisante, et bien menée. Probablement parce qu’à côté de ça, Violet elle-même reconnaît qu’elle s’est laissée piégée par les travers du genre. Et ça, avouons-le : c’est quand même vachement novateur. Elle se permet même des petites références à d’autres grands textes young adult, en laissant sous-entendre qu’elle choisit Jacob… au détriment d’Edward. À côté de ça, Anna Day ancre le tout dans une réalité très pragmatique, abordant des sujets très largement passés sous silence habituellement : puisque l’héroïne doit séduire un des personnages, elle se préoccupe de son haleine, de sa dernière douche… Comme une manière de rappeler que Violet est un personnage réel perdu dans un univers de fiction. Et, ma foi, ça marche plutôt bien.

En gros, on pourrait dire que tout roule : les personnages sont intéressants, l’univers se développe au fil des pages de manière satisfaisante, et la mise en abîme est particulièrement bienvenue : la réflexion sur l’écriture de fiction, le pouvoir de l’imaginaire collectif, les communautés d’écriture en ligne qui complètent un univers romanesque, transcende le roman tout entier, en en faisant bien plus qu’une simple dystopie distrayante, qu’on oublierait aussitôt lue. Rares sont les romans young-adult qui arrivent à se regarder pour ce qu’ils sont, et à combiner aventure et pensée critique sur un genre tout entier. Franchement… ça fait du bien !

Fandom, Anna Day. PKJ, 2018. Traduit de l’anglais par Emmanuel Gros.

A propos Emily Costecalde 1036 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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