Le Réseau Alice : à la découverte d’un réseau d’espionnage de la Grande Guerre

ROMAN HISTORIQUE — Le Réseau Alice se veut conter l’histoire du plus grand réseau d’espionnage de la Première Guerre mondiale. Mais il est surtout le récit du destin de Eve Gardiner et Charlotte St Clair, qu’a priori tout oppose mais dont les chemins finissent par se croiser en 1947. Et à travers leurs quêtes respectives, c’est bien le destin de toutes ces espionnes oubliées de l’Histoire que l’on redécouvre.

En 1915, Eve Gardiner brûle de prendre part à la guerre contre les Allemands et est recrutée comme espionne. Envoyée à Lille, dans la France occupée, elle est formée par Alice qui dirige un vaste réseau d’agents secrets. Chaque jour, ces femmes et ces hommes de l’ombre mettent leur vie en jeu pour lutter contre l’ennemi et faire passer des informations. Jusqu’au jour où le réseau est trahi et démantelé, ce qui hante encore les nuits d’Eve, trente ans plus tard. Assaillie par ses anciens démons, Eve s’est réfugiée dans la solitude et l’alcool. Jusqu’au jour où la jeune Charlie vient frapper à sa porte pour lui demander de l’aide. Cette dernière souhaite en effet retrouver sa cousine française, disparue sans donner de nouvelles au cours de la seconde guerre mondiale. Leurs recherches, leurs espoirs et leurs envies de vengeance vont donc les mener ensemble sur les routes de France, afin de découvrir une vérité trop longtemps enterrée.

Le secret pour apprécier cette lecture est sans doute de ne pas la prendre pour ce qu’elle n’est pas. Explications ! Le Réseau Alice, malgré son titre et la communication qui l’entoure,  n’est pas exclusivement un roman historique. Abordé de cette manière, vous risqueriez de passer à côté et ce serait dommage. En effet, de ce point de vue, ce roman manque quelque peu de subtilité et tisse des liens qui n’ont pas forcément lieu d’être entre de nombreux événements issus des deux guerres mondiales. Il y a fort à parier que la nationalité du lecteur influera également sur cette impression, et c’est tout à fait normal. Que ce soit en France, en Angleterre ou aux USA, les écoliers d’aujourd’hui n’abordent pas forcément l’Histoire de ces deux guerres mondiales de la même manière. Et si les lecteurs anglophones ne sont pas familiers avec la tragédie d’Oradour-sur-Glane, les français en ont normalement déjà entendu parler. L’élément de surprise du roman perd donc en intensité car il est très facile, quand on commence à nous parler avec insistance de Limoges, de voir où une partie du destin va se jouer.
Autre différence notoire, la vision que le lectorat aura de la France : ce livre propose une vision un peu fantasmée de notre pays, où les habitants peuvent différencier à l’oreille l’accent de Tomblaine à celui de Nancy (et ça se joue à 5 km près !) et où Baudelaire s’érige en maître à penser du côté obscur. Mais c’est de bonne guerre : il est fort probable que tous les anglais ne se nourrissent pas exclusivement de scones en buvant du thé dans une tasse à l’effigie de Kate et William et c’est finalement plutôt sympathique de découvrir la vision que l’on peut avoir de la France outre-Manche et outre-Atlantique.

Le roman présente en fait un récit totalement fictif très divertissant, où l’Histoire est au service des destins personnels. Et à ce titre, il se permet quand même de nous éclairer sur plusieurs grandes figures et plusieurs événements marquants du XXe siècle. Et ça c’est très positif ! Kate Quinn prend le temps, à la fin du livre, de nous livrer quelques notes et nous permet de recouper les sources. Les destins de toutes ces grandes femmes oubliées par l’Histoire, comme Louise de Bettignies et Marie-Léonie Vanhoutte méritaient d’être ainsi mis en lumière. Il est vraiment inspirant et intéressant de découvrir à travers leurs personnages (historiques et romancés) l’organisation d’un réseau de résistance (“Le Réseau Alice”) qui a pu agir au nez et à la barbe des allemands.

Ce roman, pour peu qu’il soit abordé avec un peu de recul, mérite donc d’être découvert, ne serait-ce que pour honorer la mémoire de toutes ces héroïnes oubliées. Nonobstant les passages un peu durs qui peuvent être légions quand on parle des guerres, les pages défilent à une vitesse folle et l’histoire est prenante !

Le Réseau Alice, Kate Quinn. Traduit de l’Anglais (États-Unis) par Agnès Jaubert. Hauteville, janvier 2020.

Par Coralie

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