ROMAN — Les héros ont marqué notre enfance. Batman, Superman, les quatre fantastiques ont tous eu leur heure de gloire pendant les années 70 et 80. La Vie sexuelle des super-héros se pose la question de comment nos super-héros vivent la retraite.
Car au début du XXI siècle, les super-héros d’autrefois sont las et ont tous pris congé, ne devenant plus que les invités récurrents des plateaux télévisuels, de vieilles gloires devenues ringardes. Difficile de se réorienter après des décennies à traquer le crime.
Quel besoin alors de les éliminer ? Car nos vieux héros reçoivent tous des lettres anonymes. Batman vient même d’être assassiné, dans un fait divers sordide qui fait la une des médias. Au détective Dennis De Villa de mener l’enquête.
On plonge avec délice dans ce roman qui exploite toutes les questions que l’on pourrait se poser au sujet des super-héros. Connaîtraient-ils les affres de l’âge, des problèmes de couple, des soucis dans leur libido ? Comment serait la vie sexuelle d’un homme élastique, Batman était-il vraiment l’amant de Robin ? Marco Mancassola joue avec ces questions, et n’hésite pas à déchoir nos héros de leur piédestal doré en évoquant les petits tracas de la vieillesse. Il ne nous épargne rien de la déchéance des super-héros et exacerbe les traits et les défauts des héros tels que nous les avons découverts chez Marvel ou DC Comics. Red Richards est tourmenté et parfois tyrannique, Batman est égocentrique… Nos héros, désacralisés, n’en sont que plus humains, car parfaitement conscients que leur âge d’or est révolu, et qu’ils sont sur la pente descendante. C’est la fin d’une époque, d’une civilisation que nous décrit l’auteur, avec l’avènement d’un monde où on ose toucher aux mythes vivants que sont les super-héros, où on ose même les tuer.
Car cette menace omniprésente est au cœur du roman. Les lettres anonymes que reçoivent les protagonistes sont des plus anodines, puis se multiplient. Le lecteur, en même temps que les héros, envisage toutes les options, du tueur isolé et complètement dingue à la Chapman au groupe terroriste organisé. Le lecteur n’a pas vraiment peur pour les super-héros, du fait, peut-être, de ses souvenirs d’enfant où les super-héros étaient invincibles. L’adulte qu’il est devenu découvre pourtant des failles dans la carapace des ces hommes et de ses femmes. C’est avec une fascination presque morbide que l’on observe leur chute.
Marco Mancassola écrit de manière fluide, avec humour, utilisant judicieusement le ressort du flashback. Il nous immerge totalement dans New York, la ville des super-héros dans laquelle on retrouve l’ombre de Gotham City ou de Metropolis, et qu’il se laisse parfois à décrire avec beaucoup de poésie. La Vie sexuelle des super-héros se lit avec beaucoup de plaisir, avec la sensation de découvrir l’envers du décor, ce qui est interdit au public. On se sent un peu voyeur à la lecture des frasques des uns, et des déconfitures des autres. Et on se sent indéniablement nostalgique lorsque l’on referme ce très bon roman.
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