ANTICIPATION JEUNESSE — Elle McNicoll est une autrice écossaise pour la jeunesse. Son premier roman traduit en français, Les Étincelles invisibles, a notamment été remarqué pour sa protagoniste neurodivergente, ce qui change un peu ! Elle revient en ce début d’année avec une autre héroïne qui sort des sentiers battus dans Telle que je suis.
Cora n’avait aucune envie d’aller à cette fête chez les Hawkins, dans cette maison luxueuse et froide où une pyramide de paquets cadeaux attend le héros du jour. Le héros, c’est Adrien Hawkins, 13 ans, un garçon si spécial qu’il ne va pas à l’école. Cora s’attendait à détester cet Adrien, mais c’est impossible. Adrien est trop drôle, trop charmant, et surtout, il est comme elle, inadapté et inclassable. Une amitié lumineuse naît entre eux. Avec son nouvel ami, Cora retrouve la légèreté qu’elle a perdue depuis la mort de sa mère. Avec lui, elle apprend à se moquer de ceux qui la mettent à l’écart. Mais une ombre plane, celle de M. Hawkins et du mystérieux institut Grenade, un lieu où, paraît-il, on peut créer le clone digital d’une personne, un hologramme vivant, absolument fidèle… et immortel. L’institut Grenade s’intéresse de près à Cora. De très près. Ils veulent lui faire signer un contrat, ils savent comment la convaincre. Adrien voudrait la protéger, mais il est déjà trop tard.
L’histoire de Cora et Adrien se déroule donc dans un futur extrêmement proche du nôtre : du point de vue de la société et des technologies disponibles, rien n’a changé, hormis le programme mis au point par l’institut Grenade, qui permet de recréer un hologramme très proche de la réalité de personnes vivantes ou décédées, afin d’interagir avec – un concept déjà exploré dans la sphère littéraire francophone par Camille Brissot, il y a quelques années, avec La Maison des reflets.
Si l’institut Grenade s’intéresse tellement à Cora, c’est parce que la jeune fille est autiste et que les scientifiques-développeurs du projet souhaitent travailler sur les profils neuroatypiques afin d’être au plus proche de la réalité.
De fait, les deux personnages s’écartent clairement des sentiers battus de la littérature jeunesse : Cora est autiste, Adrien TDAH. A travers eux, on explore différentes situations : harcèlement que subit Cora (par ses camarades… et par ses profs…), difficultés familiales vécues par Adrien. Ce qui se passe dans la tête des personnages est parfaitement retranscrit et on comprend toutes les implications de leurs situations.
En sous-texte, l’autrice nous pousse à nous interroger sur notre propre rapport à la différence et la façon de l’aborder : les neurodivergents ont-ils une maladie ? Faut-il les soigner, les améliorer, à toute force ? Quel est le rôle des parents et comment accueillir un enfant neurodivergent ?
Toutes ces questions passionnantes et bien mises en scène servent évidemment l’autre volet du récit, celui qui lorgne plus vers la science-fiction et l’anticipation – car, à ma connaissance, la technologie des hologrammes basés sur les souvenirs et les traits de caractère des vivants n’existe pas encore.
Dans un premier temps, cet aspect du récit est assez subtil et diffus, mais prend toute sa place dans la seconde partie, après le gros retournement de situation central qui fait basculer le récit. Celui-ci devient plus inquiétant, et ajoute aux questions sociétales précédemment évoquées des interrogations sur le clonage et l’eugénisme. La réflexion est vraiment bien menée, portée par des péripéties qui rendent le tout particulièrement prenant, tout en restant accessible pour de jeunes lecteurs !
Malgré quelques facilités dans le récit, Elle McNicoll propose un roman prenant et particulièrement bien mené, qui mêle avec brio le volet science-fictif avec les interrogations sociétales. Une autrice à suivre !
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