FICTION HISTORIQUE — Vous vous souvenez peut-être de notre incursion à Pompéi avec L’Antre des louves d’Elodie Harper (ici et là). Après celui d’Emily, nous vous proposons aujourd’hui un deuxième avis sur la suite de cette trilogie, intitulée La Maison à la porte dorée.
Amara, affranchie, mène désormais la vie luxueuse de concubine d’un puissant politicien : elle habite une magnifique demeure (la maison à la porte dorée), se rend aux plus extravagantes fêtes et se pare des plus beaux tissus. Mais son passé la hante. Si elle a réussi à se libérer de l’Antre des Louves – le lupanar le plus célèbre de Pompéi – l’idée que ses sœurs de cœur y soient restées lui est insupportable. Décidée à les délivrer, elle devient alors une femme impitoyable et vengeresse, qui use de stratagèmes terribles pour parvenir à ses fins. Néanmoins, ce nouveau rôle n’est pas sans risques : un faux pas, et elle pourrait tout perdre. Mensonges, trahisons, tromperies et escroqueries… dans l’Empire romain, quand on est une femme, la survie a un prix.
S’il avait pu sembler difficile de s’immerger totalement dans le tome 1, cela n’a pas été le cas du tout avec ce second opus. Au contraire ! Les retrouvailles avec Amara se font en toute simplicité, avec beaucoup de naturel et on découvre en même temps qu’elle la précarité de son nouveau statut d’affranchie. La narration nous donne accès à ses pensées et c’est à la fois fascinant et terrible de la voir se débattre avec ses émotions. Car c’est une tempête de sentiments qui se cache derrière l’apparence charmeuse d’Amara : entre son chagrin pour la disparition de Didon, sa haine de Felix et sa culpabilité vis à vis des filles restées au bordel, ce nouveau quotidien n’est pas forcément très apaisé. Mais c’est ce qui rend ce personnage si fort, si attachant et si vrai ! Forgée par son passé, Amara place l’argent au centre de ses préoccupations, au détriment parfois de certaines autres valeurs. À travers Amara, l’autrice interroge donc le lecteur sur le sort réel des affranchies : ces anciennes esclaves seront-elles vraiment libres un jour ? Peuvent-elles s’élever socialement ? Leur double statut d’affranchie et de femme est-il un frein ? Les questionnements d’Amara sont totalement légitimes, et même si on lui souhaite à titre personnel un avenir plus brillant, n’en sont pas moins crédibles. Ce point de vue féminin sur la ville de Pompéi, même s’il est fictif, est plutôt rafraîchissant si on considère que la plupart des témoignages écrits à l’époque l’ont été par des hommes, Pline en tête de file.
Du point de vue de Pompéi, on arpente peut-être moins ses rues mais on découvre avec délice certains autres aspects de la cité romaine, que cela soit à travers les célébrations qui jalonnent l’année ou les combats de gladiateurs. On observe dans ce tome le quotidien des concubines, plus respectables que les prostituées mais bien loin des matrones pompéiennes. Dans la société romaine de l’époque, les femmes restent de toutes manières assujetties à leur père puis à leur mari. On les suit ainsi aux thermes ou dans leurs achats quotidiens et on voit même Amara exercer discrètement le métier de prêteur sur gage, bien évidemment interdit aux femmes à l’époque. Comme précédemment, chaque chapitre s’ouvre avec la retranscription de certains graffitis découverts lors des fouilles de la ville. En tout cas, la terre commence à trembler à l’ombre du Mont Vésuve. C’est subtil, mais c’est bien là …
Ce tome 2 se termine sur un petit enchaînement de rebondissements bien efficace : on attend avec impatience le dernier tome pour découvrir le dénouement de cette fresque pompéienne, aussi divertissante qu’historiquement précise.
La Maison à la porte dorée, d’Elodie Harper. Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Manon Malais. Calmann Lévy, mai 2023
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