Les agents de M. Socrate

L’esthétique steampunk a le vent en poupe. Dans ce XXIe siècle toujours plus rapide, où l’échange de données se fait en un clin d’œil, et où la technologie est toujours plus discrète, on note un penchant nostalgique pour les machines bruyantes et pleines de vapeur du XIXe siècle tout juste industrialisé.
Le steampunk, c’est ça. Courant littéraire, il émerge au XXe siècle, et son succès n’a pas démenti. Mêlant élégance victorienne et environnement industriel, le genre touche peu à peu tous les domaines de la création, de la littérature au cinéma, en passant par la haute-couture. Vous avez peut-être d’ailleurs vu les multiples adaptations des romans de Jules Verne, ou le film La Ligue des Gentlemen extraordinaires, avec (entre autres) Sean Connery, tiré du comic éponyme d’Alan Moore et Kévin O’Neill, qui vous ont donné un petit aperçu de l’esthétique steampunk.

Arthur Slade, auteur de la série jeunesse Les Agents de M. Socrate est donc en plein dans la mode avec sa série.                       

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Campagne anglaise, XIXe siècle. M. Socrate, aristocrate britannique tiré à quatre épingles, mi-ambassadeur, mi-agent secret, se rend dans une galerie de monstres pour en sortir Modo, un nouveau-né. Mais pas n’importe quel nouveau-né : abandonné sur les marches de Notre-Dame de Paris, Modo se démarque des autres enfants par une puissance incroyable, et une difformité hideuse. Mieux, il a des pouvoirs de transformation étonnants, lui permettant de changer d’apparence à loisir. Durant quatorze ans, M. Socrate l’entraîne dans son manoir isolé : arts martiaux, cours de géographie, de latin, d’éloquence, varappe et crochetage de serrure sont au programme.  À quatorze ans, Modo est brutalement jeté dans les rues de la capitale. Objectif : survivre.

Rapidement, M. Socrate rappelle son agent pour lui donner une mission de toute autre envergure : contrecarrer les plans de la Confrérie de l’Horloge, redoutable organisation terroriste qui menace de renverser le gouvernement. Aidé de ses seuls talents et de la langue bien pendue d’Octavia, autre jeune agent de M. Socrate, fausse lady et pickpocket à ses heures perdues, Modo va devoir se plier en quatre.

Voilà pour le résumé du premier tome. Ce qu’il faut savoir sur cette série, tout d’abord, c’est que bien qu’elle soit destinée à la jeunesse, elle peut aussi bien être lue par des lecteurs plus âgés. Le style est simple, direct, dynamique, le vocabulaire toujours bien choisi, sans toutefois tomber dans la simplicité, ce qui fait qu’on avale les pages sans s’en rendre compte. L’intrigue est hyper prenante et elle est menée tambour battant : il n’y a pas de temps morts, et l’auteur atteint un juste équilibre entre actions, réflexions, et sentiments, sans jamais sombrer dans les facilités. Il n’oublie pas non plus l’humour, puisque les échanges entre Octavia et Modo, souvent pleins d’ironie et de mordant, sont assez drôles. Le duo porte à merveille l’intrigue et, au passage, l’auteur traite l’intéressante question du regard des autres sur soi, et de l’acceptation de la différence. En raison de sa difformité, Modo est un personnage très humble, et nettement moins fanfaron que ses homologues littéraires ; cela ne l’empêche pas d’être très bon dans ce qu’il fait, bien qu’il se dévalorise souvent.  Le thème est filé tout du long de la série, avec d’intéressants développements, pas toujours attendus. Sous couvert de fiction amusante et prenante, Arthur Slade traite des thèmes variés, quoique sérieux : acceptation de soi, utopie politique, nations idéalistes, auto-détermination des peuples… autant de thèmes très prisés au XIXe siècle, tant dans les sociétés savantes que dans la littérature, et qui restent tout à fait d’actualité de nos jours.

Dans cette série, Arthur Slade mélange les genres : au même titre qu’un thriller, les enquêtes progressent pas à pas. Chaque tome renferme une enquête, mais quelques éléments sont toujours laissés en suspens, et trouvent leurs réponses définitives dans le quatrième et dernier tome, dont l’intrigue reprend les éléments des opus précédents, étayant ainsi une histoire plus complète et complexe.  Il y a aussi du roman d’initiation là-dedans, bien sûr, Octavia et Modo progressant à la fois sur la voie de l’agent, et sur celle de la sagesse.

Le tout servi, bien sûr, dans une ambiance toute victorienne, et steampunk à souhait. Il est question d’expériences bizarres, de boulons, de vapeur, et de grands progrès techniques. Si l’ambiance du premier tome est torturée et angoissante, celle des tomes suivants est un peu plus légère, quoique toujours pleine de suspense. On vogue dans une ambiance très marquée, un peu fantastique, tirant parfois sur l’uchronie et pleine de magie, au sens où le lecteur est très rapidement embarqué dans l’univers.

L’autre gros point fort de cette série sont les références littéraires : chaque tome est l’occasion d’allusions diverses et variées à des œuvres littéraires majeures du XIXe siècle. Ainsi, alors que Modo a été abandonné devant la cathédrale Notre-Dame, on croise bien vite un savant fou nommé Hyde. Plus tard, l’Atlantide de Pierre Benoît, le Nautilus de Jules Verne, le Frankenstein de Mary Shelley ou les inventions d’H.G Wells seront convoqués. A côté de ces références précises, il y a bien sûr l’ambiance qui rappelle tout à fait les romans d’aventure de la même époque. Tous les épisodes sont truffés de petites références ; ces clins d’œil sont amusants à repérer et donnent au roman un petit côté original et décalé, assez rafraîchissant, malgré une intrigue générale assez sombre.

Tout du long, Arthur Slade maintient un style direct et prenant, une ambiance victorienne mâtinée de steampunk, des personnages attachants et complexes dont l’évolution est intéressante. Le ton mûrit sans cesse, et les intrigues vont en se densifiant. Si vous cherchez une aventure dynamique, émouvante, facile d’accès, bien écrite et convenant tant aux jeunes lecteurs qu’aux lecteurs plus âgés, n’allez pas plus loin ! Les Agents de M. Socrate vous tendent les bras.

Les Agents de M. Socrate, Arthur Slade. Éditions du Masque, quatre tomes.

Par Oihana

A propos Oihana 711 Articles
Lectrice assidue depuis son plus jeune âge, Oihana apprécie autant de plonger dans un univers romanesque, que les longues balades au soleil. Après des études littéraires, elle est revenue vers ses premières amours, et se destine aux métiers du livre.

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