« La Hague… Ici on dit que le vent est parfois tellement fort qu’il arrache les ailes des papillons. Sur ce bout du monde en pointe du Cotentin vit une poignée d’hommes. C’est sur cette terre âpre que la narratrice est venue se réfugier depuis l’automne. Employée par le Centre ornithologique, elle arpente les landes, observe les falaises et leurs oiseaux migrateurs. La première fois qu’elle voit Lambert, c’est un jour de grande tempête. Sur la plage dévastée, la vieille Nan, que tout le monde craint et dit à moitié folle, croit reconnaître en lui le visage d’un certain Michel. D’autres, au village, ont pour lui des regards étranges. Comme Lili, au comptoir de son bar, ou son père, l’ancien gardien de phare. Une photo disparaît, de vieux jouets réapparaissent. L’histoire de Lambert intrigue la narratrice et l’homme l’attire. En veut-il à la mer ou bien aux hommes ? Dans les lamentations obsédantes du vent, chacun semble avoir quelque chose à taire. »
J’avais déjà lu Les Déferlantes alors que le roman venait plus ou moins de sortir… Ce fut un énorme coup de cœur, sans forcément savoir comment le dire. J’avais même poussé le vice à acheter le livre neuf, en grand format… C’est pour dire ! Après avoir découvert d’autres titres de l’auteur (notamment Seule Venise et Dans l’or du temps), j’étais un peu revenue de ses romans qui me décevaient toujours un peu plus au fur et à mesure que je les découvrais. Cependant, j’ai été prise d’une folle envie de relire ce roman qui m’avait transportée dans cette contrée si sauvage qu’est le Cotentin et, surtout, La Hague où la terre et les hommes sont façonnés par le vent !
La protagoniste du roman a fui Avignon car cette ville du sud de la France lui est terriblement douloureuse. Elle a choisi de se réfugier à La Hague, terre de légendes et de croyances. Tout ce qu’elle souhaite, c’est oublier sa douleur : celle d’avoir perdu l’amour de sa vie. Ancienne prof de biologie embauchée par le centre ornithologique de Caen, cette héroïne dont on ne connaitra jamais le nom arpente les landes pour observer et compter les oiseaux migrateurs. Ce nouveau monde est rude et hostile entre les tempêtes et la pluie mais peu importe. Cela lui convient parfaitement : elle a besoin de solitude.
Le quotidien de cette femme se déroule sans problèmes entre les falaises, l’auberge de Lili, la maison qu’elle partage avec Raphaël et sa sœur, Morgane. Comme le vieux Théo, l’ancien gardien du phare, qui comptabilisait aussi les oiseaux, tous l’ont accepté sans aucun problème.
Un jour de tempête, un homme arrive à La Hague. Comment s’appelle-t-il ? Lambert. Son comportement questionne beaucoup notre héroïne. Il ne semble pas être totalement étranger à cet endroit. Que recherche-t-il ? Et pourquoi sa présence ennuie-t-elle visiblement certaines personnes, particulièrement Lili ? On apprend vite qu’il est de retour sur les lieux d’un drame qui a eu lieu quarante ans plus tôt. Enfant du village, il a perdu sa famille dans un naufrage. Selon lui, au moment de l’accident, le phare était éteint. Lambert est à la recherche de son passé tandis que la narratrice voudrait oublier le sien. Au fil du temps, des vérités douloureuses vont refaire surface.
On ne peut que se sentir un habitant parmi les autres tant les personnages sont tous attachants.Que ce soit le mystérieux Lambert, le simplet Max, le sculpteur Raphaël, la narratrice inconnue, l’ancien gardien de phare misanthrope vivant avec ses chats, une serveuse de bistrot « grande gueule » et rancunière, Nan, cette vieille femme un peu folle à la recherche de ceux que lui a volé la mer…Autre personnage à part entière : la Mer, la vraie, celle qui, dangereuse, violente, sûre d’elle, décide de parfois garder les hommes qui souhaitent la dompter. Tout au long du récit, le lecteur respire les embruns au même rythme que la narratrice : le jour, la nuit, sur les falaises, dans le vent et les rayons de soleil. On se sent réellement un habitant parmi les autres !
Quant à l’atmosphère créée par Claudie Gallay, elle est superbe : dense, singulière, emplie de secrets oppressants, de silences et de non-dits pesants, habilement présentés sur l’échiquier des Déferlantes. On est partagé entre l’envie de connaître l’histoire de Lambert, celle de la narratrice, handicapée de l’amour, et le sentiment d’être un intrus présent là où personne ne l’a invité.
De plus, l’auteure prend tout son temps à tel point que l’on peut être agacé de voir la narratrice compter les oiseaux migrateurs, Max être amoureux de Morgane, Lambert soupçonner la vérité sans oser aller de l’avant, Lili qui sert des cafés… Le lecteur a le droit d’avoir envie de sauter quelques pages voire d’abandonner, mais impossible ! Il faut également noter la façon d’écrire de l’auteure… Claudie Gallay fait tout passer par des descriptions tout en simplicité, ni trop courte, ni trop longues, des ressentis et des émotions.
D’ailleurs, elle semble tellement croire à ce qu’elle décrit que le lecteur imagine aisément ce petit coin de mer isolé. La Hague, la mer, les bateaux, le vent tempêtueux… On s’y croirait. On est happé par ce décor sauvage, authentique et plein de mystères. Chacune des phrases tape fort, est incisive, tout en sobriété et en pudeur. Les mots sonnent terriblement juste.
Enfin, les chapitres sont courts voire très courts (parfois, à peine une demi-page !), ce qui permet de stopper sa lecture. Pour résumer, il ne faut pas que le nombre de pages (525 pour le grand format) vous rebute ! Le livre est très aéré et les scènes brèves (parfois un peu trop !). Lisez-le lentement. Prenez le temps. Laissez-vous porter par le vent. Ne cherchez pas à dénouer les secrets. Tout viendra assez vite. Trop vite.
Les Déferlantes, Claudie Gallay. Éditions du Rouergue, 2008.
Par Elora
Bel article!!!
Un livre qui m’a embarqué après une centaine de pages ….J’avais l’impression d’y être tellement les descriptions paraissaient vraies…j’aurai pu sentir le vent et respirer l’iode…
J’ai apprécié lire « mes impressions » dans votre article.Merci
Contente qu’on ait pu ressentir la même chose, Stellade ! Au plaisir de te revoir !