« Le Glacis, au nord de la ville, c’était une grande avenue plantée d’acacias qui séparait la ville européenne de la ville indigène. Une frontière non officielle, franchie par qui voulait et gravée pourtant dans les esprits de tous comme une limite incontestable, naturelle, pour ainsi dire, à l’instar d’une rivière ou d’une orée de forêt.»
Le Glacis est un roman qui est demeuré de longues années dans un tiroir. Monique Rivet, agrégée de lettres modernes aujourd’hui à la retraite, l’avait écrit à la fin des années 50, dans un contexte bien particulier qu’elle a voulu rendre dans un roman court, mais percutant.
Le Glacis, c’est l’histoire, ou plutôt le témoignage, de la jeune Laure, institutrice à la langue bien pendue qui fut mutée en Algérie. La jeune femme a l’habitude de dire ce qu’elle pense. Elle découvre un monde codifié, où chacun doit avoir conscience de sa place. Elle ne sait pas qu’elle devrait surveiller ses paroles, ni qu’elle vit l’une des périodes les plus troubles de l’histoire contemporaine de la France.
En France, on parle pudiquement « d’évènements », sans oser vraiment dire ce qui se passe de l’autre côté de la Méditerranée. En Algérie, cependant, ce n’est pas mieux. C’est ce que découvre Laura, fraîchement débarquée de France, avec toute son insouciance et sa fraîcheur. Elle découvre un pays où elle ne se plait pas, mais se prend d’affection pour ses jeunes élèves. Elle se fait des amis, et se rend progressivement compte que le pays est en guerre. Naïve, elle ne prend tout d’abord pas la pleine mesure de ce qui se passe autour d’elle, et parle de façon inconséquente à son tout récent entourage. En public, la jeune femme n’hésite pas à dire ce qu’elle pense de la colonisation, ou de la ségrégation qui règne dans la ville. D’esprit libre et rebelle, Laure prend progressivement conscience du danger de sa situation.
Le Glacis apporte un regard jeune et différent sur la guerre d’Algérie, bien différent des évènements figés que nous montrent nos livres d’histoire. L’intérêt principal de ce court roman repose sur la compréhension lente mais progressive de Laure vis à vis des évènements. Il était très facile de vivre dans une bulle quand on était une jeune française éduquée, pourtant Laure n’hésite pas à poser des questions, à essayer de comprendre. Mais Laure se met sans le savoir en danger, du fait de la liberté de ses idées et de son ton.
Le danger est omniprésent tout au long du livre, de même que la violence. Cependant, Monique Rivet préfère suggérer plutôt que montrer crûment, et fait preuve de pudeur et de justesse lorsqu’elle dévoile le climat d’injustice et de tension qui régnait alors en Algérie. C’est un ouvrage fort, qui dénonce l’intolérance et l’incompréhension, l’égoïsme des uns et la violence des autres, qui préfèrent ne rien voir, ou profiter des évènements. Une oeuvre de jeunesse des plus intéressantes. Un grand merci à Babelio et à Métailié pour cette découverte.
Le Glacis, Monique Rivet. Métailié, 2012.
Je viens de le lire. Peu à peu, des romans-témoignages paraissent sur les « événements ». Rares sont ceux qui osent ou peuvent en parler.