POST-APOCALYPTIQUE — Finies, les oranges de Californie. Finis, les fastes de Vegas. Finie, la hype de San Francisco. Dans l’Amérique imaginée par Claire Vaye Watkins, l’Ouest américain n’est plus qu’un vaste désert de sable, une friche inhospitalière : une terrible sécheresse a fait de cette gigantesque zone une terre stérile, a ressuscité la notion même de frontière infranchissable. Une mer de dunes, l’Amargosa, progresse et submerge tout : sur son passage, des villes entières disparaissent, et un monde s’écroule.
Quelque part non loin de Los Angeles, Luz, un ancien mannequin de seconde zone, vit dans une villa abandonnée avec son compagnon, Ray. La vie est difficile. Pour tromper son ennui, Luz parade dans les tenues clinquantes de l’ancienne propriétaire de la villa, et Ray fait des pieds et des mains pour trouver des reliques d’autrefois : des fruits, poussiéreux et desséchés, mais qui leur rappelle la vie d’avant. Un jour, leur quotidien bascule lorsqu’ils recueillent une enfant, à l’âge incertain, probablement âgée de deux ans. Pour elle, pour la famille qu’ils forment désormais, Ray et Luz sont prêts à partir pour l’inconnu, vers une terre plus accueillante. Mais le voyage ne va pas se passer comme prévu…
Portrait terrible d’une terre assoiffée, détruite par l’humanité, Les Sables de l’Amargosa sonne comme un terrible avertissement, comme une vision prémonitoire d’un destin qui nous pend au nez si nous continuons à malmener notre planète. L’ambiance est donc assez sombre : le monde d’avant n’existe plus, mais pourtant, ce passé pas si lointain reste omniprésent, dans les souvenirs des personnages et dans les lieux qu’ils traversent. C’est un monde où on survit plus qu’on ne vit. L’obsession numéro un, bien sûr, c’est l’eau. Puis l’essence. Le manque de l’un ou de l’autre peut vous tuer…
Pourtant, on s’attendrait à ce que Claire Vaye Watkins aille un cran plus loin dans le post-apocalyptique. Si la société d’autrefois a bien été abolie, si le monde de jadis n’existe plus, la vie de Ray et de Luz dans leur villa isolée n’a pas l’air si terrible. On ne sent pas trop les privations. Ok, ils boivent plus de Coca-Cola que d’eau, puisque les sodas sont plus faciles à trouver que l’eau, et le sable envahit tout, mais ils n’ont pas l’air si malheureux que ça au fond…
En revanche, réussie est la description de l’avancée inexorable des sables de l’Amargosa : la dune s’arrêtera-t-elle ? Recouvrira-t-elle tout le continent ? Les personnages et le lecteur ne savent pas. L’auteur tente quelques pistes gouvernementales, par le biais d’un des protagonistes qui imagine une solution extrême, mais le lecteur ne saura jamais si c’est vrai. On peine à voir le schéma d’ensemble. Vivent-ils normalement en Europe, en Australie ? On ne sait pas. Seul compte le microcosme de ce sud-ouest ravagé. On reste un peu sur notre faim.
C’est d’ailleurs le constat que l’on peut faire sur l’ensemble du roman : on reste sur notre faim. Il y avait plein de choses intéressantes dans le roman de Claire Vaye Watkins, plein de choses à développer, mais on a l’impression que ses idées ne sont pas totalement abouties, on reste dans un espace très délimité, tant dans le chronologiquement que géographiquement. De même, le lecteur reste de marbre face au destin des personnages : Luz l’agace plus qu’elle ne l’émeut, Ray le laisse indifférent, seule Ig trouve grâce à ses yeux. Dallas ou Levi sont des personnages qui sont intéressants, mais ils restent superficiellement traités, ils se limitent au seul rôle qui sert le récit : l’un est une mère nourricière en deuil, l’autre un prophète épicurien. Ils n’ont pas davantage de relief.
Dommage, en somme.
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