Celle qui devint le soleil : majestueux !

Celle qui devint le soleil

FANTASY — Une sortie événement comme celle du roman de Shelley Parker-Chan, Celle qui devint le soleil, ça ne se loupe pas ! Fort de sa superbe fabrication (format relié, jaquette, jaspage, dorure), et du succès critique et public qu’il a rencontré sur le marché anglo-saxon, Celle qui devint le soleil est de ces livres dont on attend beaucoup. Est-ce mérité ou pas ?

En 1345, dans un petit village chinois, une enfant lutte pour ne pas mourir de faim. Aux yeux de tous, elle est quantité négligeable, et tout le monde est tellement persuadé qu’elle n’arrivera jamais à l’âge adulte qu’elle n’a même pas de prénom. Son père, qui a également un fils, emmène ses enfants chez un oracle : le fils est promis à ma grandeur, à un destin somptueux. La fille, au néant et à la mort. Pourtant, au décès du père peu après, c’est le fils qui le suit dans la tombe. La fille, elle, est bien déterminée à survivre. Pour se faire, elle endosse l’identité de son frère et rejoint un monastère. En devenant novice, c’est déjà pour l’enfant la certitude de ne pas mourir de faim. Et c’est le premier pas vers la grandeur.

Impressionnant de maîtrise, ce premier roman se situe entre le récit historique documenté et la fantasy épique : c’est là l’écrin parfait pour faire émerger l’incroyable figure romanesque de Zhu, ce personnage qui croit dur comme fer à la force du destin. Son ambition sans limite, sa soif de reconnaissance, son goût pour la vie font de ce personnage quelqu’un de littéralement prêt à tout pour réussir. Y compris à jouer avec la définition de sa propre identité.

Oui, c’est un récit politique, un roman sur la guerre, la violence, les ambitions des hommes : c’est un livre sur la manière dont on rentre dans l’Histoire, la manière dont on fait inscrire son nom dans la mémoire collective des hommes. Mais c’est aussi une réflexion sur l’identité, sur le genre, sur la sexualité, sur ce qui nous constitue ou non, sur la flamme qui nous anime, sur les désirs qui nous habitent. Zhu est un homme, une femme ? L’ambiguïté demeure et le personnage peine à mettre des mots sur sa propre essence. Un corps assurément non mâle, mais qu’il y a-t-il à l’intérieur ? Qui est-ce vraiment ? Le récit pose ces questions avec justesse et pudeur. C’est également un roman féministe, qui montre plusieurs femmes prendre en main leur destin, faisant fi d’une société qui leur est pourtant totalement hostile, car engoncée dans un patriarcat rigide.

Amateurs de destins torturés, de vengeances terribles et de scènes de batailles, vous serez comblé par ce roman très complet et dense, qui vous entraînera dans les monastères boudhistes, sur les routes poussiéreuses et bien sûr, au sein même des combats les plus acharnés… Grâce à un style très visuel, très fluide, ce roman, malgré sa profondeur, se lit très rapidement.

Une très belle réussite, que nous vous conseillons avec emphase !

Celle qui devint le soleil, Shelley Parker-Chan. Bragelonne, mai 2022. Traduit de l’anglais par Louise Malagoli.

A propos Emily Costecalde 1154 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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