Vaikom Muhammad Basheer fut l’une des voix les plus importantes de la littérature indienne du siècle dernier. Né en 1908 et mort en 1994, il a vécu tous les bouleversement d’un pays en mutation. Grand-père avait un éléphant est une fable ravissante, qui témoigne avec humour de l’évolution d’une société déchirée entre tradition et modernité.
Kounnioupattoumma est une jeune fille, issue d’une riche famille musulmane, et elle est en âge d’être mariée. Vivant recluse chez elle, elle ne sait rien du monde, si ce n’est que son grand-père avait un éléphant, et que ce passé prestigieux lui assurera une belle union. Mais ses parents sont difficiles, et les années passent sans que la jeune fille ne soit mariée. Puis un jour, son père est ruiné.
Grand-père avait un éléphant s’apparente à une fable des plus agréables à lire, dans laquelle nous découvrons Kounnioupattoumma, et sa famille (de fous). Son père est un notable musulman très respecté, sa mère est issue d’une lignée prestigieuse. Kounnioupattoumma vit strictement, selon les préceptes du Coran, et est une jeune fille docile, ployant sous le poids de ses bijoux d’or, attendant de passer de la maison de son père à celle de son mari. Le lecteur découvre alors les mœurs de l’Inde du Nord, et en particulier, les coutumes matrimoniales : ce qui est attendu d’une future épousée, les femmes de la famille du prétendant visitant la jeune fille pour vérifier qu’elle convient bien, et l’or devenu une manière de quantifier l’honneur d’une famille. Mais Kounnioupattoumma a vingt et un ans, et n’est toujours pas mariée. La rengaine que sa mère lui assène fréquemment sur le grand-père du défunt grand-père, et la tâche de naissance porte-bonheur qu’elle a sur la joue, la convainquent de sa grande valeur. Mais tout bascule quand le père de Kounnioupattoumma perd un procès et se retrouve ruiné. La jeune fille doit vendre tous ses bracelets d’or, et déménager avec sa famille dans une masure. Elle n’a plus rien.
Les nouveaux voisins de Kounnioupattoumma ne partagent pas la même vision de la vie et de la religion que la famille de la jeune fille : plus modernes, moins rigides, ils vont peu à peu influencer la jeune fille. Vaikom Muhammad Basheer nous offre alors un joli conte sur les travers de la religion, et de l’ignorance. La mère de Kounnioupattoumma incarne à elle-seule l’obscurantisme religieux : aigrie, rendue amère par la déchéance sociale de sa famille, elle tient des propos odieux à l’égard de sa fille, et continue à se comporter en enfant gâtée. Kounnioupattoumma, elle, va grandir et peu à peu ouvrir les yeux. C’est une jolie fable, pleine d’humour et de poésie, mais également un roman d’initiation, dans lequel l’héroïne grandit et devient pleinement adulte.
Grand-père avait un éléphant, Vaikom Muhammad Basheer. Points Seuil, 2012.
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