Avez-vous déjà commencé un livre avec un flegme monstre et beaucoup d’indolence, pensant que vous alliez lire un énième roman identique aux mille précédents ? Mais là, surprise ! Vous tombez sur la perle rare. Vous découvrez un livre plein de finesse qui vous transporte ailleurs. Mais un ailleurs pas si éloigné au final.
L’histoire se passe en Allemagne, mais elle pourrait se passer dans n’importe quel pays d’Europe. Masha est une jeune femme comme une autre, du moins, elle voudrait l’être. Mais voilà, elle a un passé. Il y a le sien propre et il y a celui de sa famille, et puis il y a celui de son peuple et celui de sa religion. Tous ces passés sont lourds à porter, surtout pour les épaules d’une frêle jeune femme. Ecrasée sous ce poids, Masha se débat pour apprendre à vivre, à aimer, à avancer tout simplement.
Tout cela, Masha le découvre avec Elias. Douceur, amour, et envie de compréhension rencontrent violence, peur et multiculturalisme involontaire. Le couple est aussi tendre qu’incapable de se comprendre et cela les mine peu à peu. Au gré de discussions avortées et de disputes, Masha et Elias se trouvent et s’aiment. Jusqu’au jour où.
Un bête accident va précipiter Masha dans la tourmente. Son homme va se blesser. Et commence ainsi un cycle infernal. Parce que Masha a un passé, et qu’elle a peur. Plus encore, elle est terrorisée. L’hôpital, le sang, l’inquiétude, tout cela la ronge et achèvera de la détruire quand Elias meurt. Face à cette perte, Masha va devoir réapprendre à vivre, à être seule, à ne pas couler. Elle va redécouvrir ses amis et son premier amour qui la soutiennent jusqu’au bout.
On découvre ainsi Cem. Un personnage touchant, plein d’amour et d’interrogation qui nous donne envie d’avoir un meilleur ami identique. Il est présent et attentif, empli d’affection pour une amie qui perd pied et n’a qu’un désir : aider son amie et lui montrer, lui prouver qu’elle n’est pas seule. Tous les personnages ont cette tendresse et cette sensibilité qui nous montre d’un œil nouveau et intéressé les grandes questions de l’immigration et du multiculturalisme.
Car ce sont les interrogations profondes de ce roman. Ces thèmes sont souvent le fond de nombreux débats mais qui s’est vraiment questionné ou a réellement interrogé quelqu’un vivant cette immigration ? Qui s’est trouvé plongé entre deux cultures, deux pays, deux langues ? Qui s’est vu rabaissé pour ce qu’il est, sans que ne soit pris en compte ce qu’il sait ? Qui peut dire qu’il est dans l’incapacité de se connaître lui-même car il est tellement multiple qu’il ne sait plus être un ? C’est ce que vivent Masha et ses amis. Cette quête d’identité est profonde et nous amène à nous sonder pour comparer nos expériences et nos vécus.
Pour son premier roman, Olga Grjasnowa nous offre une pépite inoubliable qui vous empêchera (je l’ai testé pour vous) de lire un autre livre avant que vous n’ayez répondu à toutes les problématiques soulevées. Son texte écrit avec une plume fine et pleine de tensions vous emmènera sur le cheminement que suit Masha. Ce roman moderne possède une histoire prenante, une plume aussi forte que le message qu’elle nous fait passer et des personnages très touchants. « Les langues sont synonymes de pouvoir. » nous dit Masha et l’auteur l’a, elle aussi, bien compris car son écriture est puissante.
Et si vous vous interrogez sur le titre, lisez le livre, vous comprendrez. Mais en une phrase, disons juste qu’il est le doigt pointé sur les clichés imposés à une culture ou une nation.
C’est une lecture à ne surtout pas manquer dans cette rentrée littéraire de janvier. Une découverte incroyable !
Le russe aime les bouleaux, Olga Grjasnowa. Les Escales, 9 janvier 2014
Soyez le premier à commenter