A nous deux, Paris ! par Benoît Duteurtre. Edition Fayard, 2012
ROMAN CONTEMPORAIN — On a cessé de dénombrer tous les livres consacrés à la ville-lumière, tant il y en a : en voilà cependant un de plus, qui nous présente un Paris vieux de trente ans. Nous sommes en 1980. Jérôme est un jeune provincial qui réalise son rêve, « monter à Paris ». La capitale le fascine, l’étourdit. Le perdra-t-elle ?
Jérôme étudie l’histoire de l’art et se sentait étouffer à Rouen. Le jeune homme rêve de musique, de gloire, de lumières. Quand il arrive à Paris, en 1980, l’époque est à la transition : on passe des crinières longues aux cheveux coupés ras, on se vêt de skaï, et la new wave remplace le flower power. Bientôt, François Mitterrand sera élu. Jérôme emménage dans un appartement près de Montparnasse. De son avis, la vraie vie peut enfin commencer. Pour le jeune homme, il y a Paris, là où tout arrive et où ma modernité éclot, et la province, où l’on s’ennuie.
L’auteur nous entraîne dans un Paris aujourd’hui disparu, dans lequel le Forum des Halles vient d’être inauguré, et où, depuis quelques années, on ne trouve plus dans le métro les fameux poinçonneurs, chantés par Gainsbourg. Les Bains-douches représentent le summum de la vie noctambule parisienne. Le RER est tout neuf. Jérôme se sent grisé dans cette ville où il espère pouvoir vivre à fond sa passion de la musique et explorer sa sexualité hésitante. Comme Rastignac, il espère devenir quelqu’un.
Jérôme entretient une relation ambigüe avec Paris : maîtresse exigeante et dangereuse, la ville parvient à le combler et à l’égarer à la fois. Jérôme sera certes admis au sein de la vie noctambule, mais découvrira aussi la cocaïne, les dettes, les réalités de la vie à travers son amie Mélanie, prête à tout pour un peu de drogue. Le style, simple, témoigne d’une certaine nostalgie de l’auteur pour une époque révolue et nous plonge dans la psyché d’un personnage qui connaît, au fil des pages, une véritable évolution. Le provincial naïf et enthousiaste se mue progressivement en parisien averti, qui a ses entrées partout. Cependant, le récit, parfois trop lisse, déçoit quelque peu : on aurait souhaité davantage de profondeur. Il y avait pourtant matière à écrire un véritable pavé, et à nous faire découvrir, ou redécouvrir Paris en détail. Paris ne se révèle dans ces pages que comme une ville à la vie nocturne bien vivante, et guère davantage. La Sorbonne, où Jérôme doit étudier en début de roman, n’est qu’à peine décrite. On aurait pourtant bien voulu savoir comment était la véritable vie étudiante de l’époque. On se sentirait presque floué. La fin du roman surprend pourtant, ce qui est toujours agréable.
A nous deux, Paris ! est un roman qui se lit avec beaucoup de plaisir, même si on en attendait plus. On s’attendait au portrait d’une génération, et on assiste à la place à un panorama incomplet de la vie noctambule. Ceci dit, le lecteur est bel et bien immergé dans une autre époque, ce qui est déjà une belle réussite en soi.
Soyez le premier à commenter