C’est triste de vieillir. On fera tous un jour cette expérience, à moins d’une mort dans la fleur de l’âge. C’est l’objet du livre de Leslie Kaplan, Millefeuille. Millefeuille, c’est le nom du héros, un professeur à la retraite féru de Shakespeare et de cinéma, qui vit seul dans son appartement parisien. Millefeuille s’entoure de jeunes gens et règle sa vie avec soin, entre les promenades dans Paris, les visites au Monoprix et au marché, le café au bistrot du coin. Malgré toute cette vie qui l’entoure, le vieillard est bien seul, alors qu’à l’occasion des vacances d’été, la capitale est désertée par ses habitants. Millefeuille est aimable, bavard : il veut bien faire, et bien que d’une humeur souvent versatile, il est très apprécié. Mais le grand âge a fait son oeuvre. L’ennui, la lassitude guettent dans l’ombre. La routine semble un barrage bien frugal contre ces derniers.
Alors que l’été se passe, Millefeuille tourne en rond, pris dans une routine infernale. Le style, répétitif, contribue à nous faire ressentir cette solitude terrible qui semble sourdre de la page. Malgré le soleil de l’été, le froid de la mort se fait sentir. Comment réagir quand on sent que l’on est arrivé au bout de sa vie, que ce qui nous guette, c’est l’oubli, la perte rapide de ses moyens, de sa mémoire, et enfin, la mort ? C’est une question terrible qui sous-tend l’ensemble du roman. Irascible et impatient, le vieil homme se sent glisser irrémédiablement vers la fin, sans que rien ne puisse freiner sa chute.
Millefeuille est un livre très touchant, bien qu’un peu oppressant tant Leslie Kaplan rend cette solitude extrême face à la vieillesse quasiment palpable. Millefeuille n’a certes pas de problèmes de santé, et est plutôt aisé. Pourtant, sa détresse est immense, et ses proches ne semblent pas la soupçonner. Le sujet est traité avec beaucoup de délicatesse et de justesse.
Millefeuille, Leslie Kaplan. Gallimard Folio, 13 février 2014.
Soyez le premier à commenter