En cette année 2014, on commémore le centenaire du début de la première guerre mondiale : la « der des der ». Après l’ouverture du musée dédié à Meaux (77), le lancement de la base de données Europeana 14-18, la programmation culturelle de l’année rappellera donc les événements. Et les éditeurs accordent également leur programme, proposant des titres sur le sujet. On commence donc avec le nouveau roman de John Boyne – déjà remarqué avec Le Garçon en pyjama rayé – édité chez Gallimard Jeunesse : Mon Père est parti à la guerre, qui s’intéresse aux conséquences de la guerre, vues par un jeune enfant.
28 juillet 1914. Alfie fête ses 5 ans. C’est une date importante. Surtout parce que la guerre commence. Mais Alfie est confiant : Georgie, son père, lui a juré qu’il ne s’engagerait pas.
Avant de rompre sa promesse dès le lendemain matin.
1918. Alfie n’a toujours aucune nouvelle de son père, et ignore où il peut bien se trouver. En mission secrète, comme le prétend sa mère ? Ou, plus sûrement, mort quelque part sur un champ de bataille anonyme ? Alfie n’a qu’une idée en tête : retrouver son père. À neuf ans, c’est un enfant extrêmement débrouillard et opiniâtre.
Sa mère, pour pouvoir joindre les deux bouts, a pris un poste d’infirmière à l’hôpital, laissant Alfie seul la plupart du temps. Il en profite donc pour se transformer en jeune et besogneux cireur de chaussures à King’s Cross. Là, il voit passer toute la foule de l’arrière : soldats blessés rapatriés, hommes d’affaire, autres jeunes débrouillards… et il prend également la température de l’époque : objecteurs de conscience, tollés contre les hommes en âge d’être au front et ne portant pas l’uniforme, réclamations et récriminations d’un peuple qui n’en peut plus. Tel un leitmotiv, la phrase « La guerre sera finie à Noël » hante les pages. Toute la question étant de savoir de quel Noël on parle, ce que font justement remarquer les personnages…
Alfie a beau n’être qu’un jeune enfant, il comprend tout de même assez vite ce qu’il se passe. La guerre, ses conséquences, et l’horreur de la situation sont vues à travers ce regard d’enfant : John Boyne réussit le tour de force de retranscrire événements et ambiance de l’époque sans s’imposer de censure, et sans sombrer dans un style trop enfantin. Le récit est pudique, subtil, et brillamment mené : c’est du grand art. Malgré cela, Alfie reste un petit garçon perdu dans la tourmente d’une guerre : certaines scènes sont chargées d’une émotion palpable.
Mon père est parti à la guerre est donc un excellent roman à inscrire au palmarès de John Boyne : la galerie de personnages est variée, travaillée et judicieusement choisie. Le récit est bien mené, au gré des découvertes et décisions d’Alfie, dont les actions servent à mettre en valeur un sujet largement tabou à l’époque : celui des traumatismes psychiques des soldats. L’auteur livre une réflexion subtile et profonde sur les horreurs de la guerre, sans verser dans la simplicité extrême, le danger du roman jeunesse, et sans apposer de censure aux événements. Le roman s’achève sur une belle note d’espoir, toutefois ternie par la perspective d’une seconde guerre, invisible aux yeux des protagonistes, mais que le lecteur ne peut malheureusement occulter.
Mon père est parti à la guerre, John Boyne. Gallimard jeunesse, 25 avril 2014.
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