De son enfance dans un minuscule appartement du Queens à la maison de ses rêves qui ne sera jamais finie, nous suivons la vie d’Eileen Tumulty qui porte bien son nom. Fille unique d’un père camionneur et d’une mère qui noyait sa tristesse dans l’alcool, Eileen fait tout pour s’élever. Elève studieuse, infirmière impliquée, épouse et mère, Eileen veut toujours plus, toujours mieux… Elle a de l’ambition pour elle et son mari et ne cesse de poursuivre ses rêves…sans jamais les rattraper vraiment. Son parcours est plein d’embuches et une terrible épreuve l’attend lorsque Ed déclare la maladie d’Alzheimer. Fidèle à elle-même, Eileen se lance dans cette bataille qu’elle sait ne pas pouvoir gagner et décide de continuer à vivre malgré tout…
On peut lire un livre et se contenter de ce simple plaisir, sans chercher à aller plus loin. Mais certains livres nous poussent à creuser, explorer les possibles, ils nous invitent à réfléchir sur nous-mêmes et le monde qui nous entoure. Ces livres-là, on ne peut se contenter de les lire, il faut les vivre, ils sont une expérience à part entière. Nous ne sommes pas nous-mêmes appartient à cette espèce particulière. Ce n’est pas un livre que l’on prend entre deux trains pour se divertir, il demande un certain investissement de temps et de sentiments. Ce n’est pas un livre drôle mais ce n’est pas non plus un livre triste… C’est simplement un livre vrai, avec des moments de joie et de profonde tristesse. Un livre plein d’espoir, d’attente, d’amour et de peine, bref, un livre plein de vie. Vous n’y trouverez pas de formulations ampoulées, ni de grands effets de style. Pourtant, dans sa simplicité, l’écriture de Matthew Thomas est riche d’une poésie discrète et élégante. C’est un livre écrit avec des sentiments et qui parle au cœur, tout doucement, comme un murmure.
Nous ne sommes pas nous-mêmes m’a profondément touchée et émue. Pourtant ce n’est pas là une lecture que j’aurais choisie au premier abord. Trop réaliste, peut-être, trop désespérant, sans doute… Et bien, je suis heureuse qu’on ait placé de livre entre mes mains. Si sa taille peut effrayer, il faut l’admettre, on l’oublie très vite au profit de l’histoire qui nous emporte. Le combat d’Eileen, toute sa vie durant, est presque héroïque. Elle lutte pour ses parents d’abord, pour son mari ensuite et, finalement pour son fils. Mais, au delà de cela, elle lutte pour elle-même, pour construire cette vie dont elle rêve et on est heureux qu’Eileen trouve finalement la paix, même d’une manière fort inattendue…
Il y a quelque chose de profondément touchant dans ce personnage qui, derrière une apparente dureté, cache une âme pleine d’angoisses. Ce n’est pas qu’Eileen soit incapable d’aimer, elle ne sait simplement pas le montrer. Elle n’est pas à l’aise avec les démonstrations d’affection, bien qu’elle aime sincèrement son mari, Ed, et son fils, Connell. Malgré tout, Nous ne sommes pas nous-mêmes est un beau témoignage d’amour. Il y a des scènes tellement touchantes que je n’ai pu retenir une larme. Comme lorsque Eileen se souvient de leur premier baiser… Matthew Thomas m’a d’ailleurs confié avoir eu beaucoup de mal à écrire ce passage, tant il était ému. A cet instant, la lecture crée une sorte de communion magique durant laquelle nous partageons à la fois l’émotion de l’auteur et celle d’Eileen.
Il est des livres qui nous transforment et changent notre perception du monde. Nous ne sommes pas nous-mêmes est de ceux-là. J’aime à penser que ce livre sensibilise ses lecteurs à la maladie d’Alzheimer et ses conséquences.
Si nous sommes toujours nous-mêmes en le finissant, nous ne sommes certainement plus tout à fait les mêmes…
Nous ne sommes pas nous-mêmes, Matthew Thomas. Belfond, 2015. Traduit de l’anglais par Sarah Tardy.
Par Oriane
J’ai dévoré ce livre malgré « sa taille », une très belle chronique 🙂