La collection Ego chez Talents Hauts regroupe des romans pour ados : des romans pour réfléchir, comprendre, s’émouvoir, se libérer, qui traite de sujets difficiles, mais sans voyeurisme ni fausse pudeur. On sait donc, en ouvrant un roman estampillé Ego, que l’on va être secoué.
Le dernier en date, Trop tôt de Jo Witek, ne déroge donc pas à cette saine règle !
Pia, 15 ans, est en vacances avec ses parents et sa cousine Marthe au bord de la mer. C’est décidé, ces vacances doivent être réussies : il faut réussir à trouver le grand Amour avant la fin du séjour qui approche à grands pas. Pia et Marthe font dont le mur. Direction la discothèque du coin.
Les filles sont déchaînées et la stratégie s’avère payante. Si Marthe rentre sagement au camping, Pia s’enfuit avec Nathan et perd sa virginité entre ses bras sur la plage. Le retour est idyllique.
Mais le lendemain, Pia a le cœur brisé : elle comprend qu’elle n’a été qu’un coup d’un soir pour Nathan, qui s’inquiète subitement de savoir si elle est majeure, avant de lui révéler qu’il a déjà une petite amie merveilleuse, merci bien.
Pour Pia, c’est la douche froide : s’enfonçant dans la dépression, Pia tombe malade.
Mais, rapidement, la jeune fille va s’apercevoir qu’elle n’est pas vraiment malade. Et que ce qui la mine, c’est n’est pas une absence… mais plutôt un embryon de présence.
Dès lors, que faire ? Pia se confie à Marthe mais elle est là-bas, à Paris, si loin. Comment se confier aux parents sans détruire l’amour et la confiance qui règne entre eux trois, dont Pia a soudain tellement besoin ? Comment comprendre ce qui est arrivé ?
Jo Witek nous glisse dans les pensées de Pia et on n’ignore rien de son parcours chaotique allant de la compréhension en passant par l’acceptation à l’aveu. Ce faisant, l’auteur met le doigt sur un phénomène extrêmement juste, que Pia déplore à raison :
«Je veux qu’on dise l’amour fait perdre la tête et les cours d’éducation sexuelle devraient être accompagnés d’autre chose que d’un kit de prévention des risques. Capote-pilule-MST. Tu parles d’un triptyque ! C’est comme ça qu’on nous parle de la première fois. Rien sur les frissons, les émotions, rien sur la force des désirs.»
Sans cette force qui a subitement submergé la jeune fille, il ne se serait probablement rien passé d’aussi regrettable. Mais voilà, cette force, personne ne lui en a jamais parlé. Et si vous fouillez dans vos mémoires pour chercher vos souvenirs de cours d’éducation sexuelle, on peut parier que vous n’en avez jamais entendu parler non plus.
En termes clairs mains néanmoins bouleversants de justesse, Jo Witek questionne l’éveil sexuel des adolescents et l’avortement. Sur ce dernier sujet, le dossier en fin d’ouvrage rappelle que c’est toujours un combat d’actualité. L’auteur reste au plus près du personnage : page après page, on souffre avec Pia, on angoisse devant la réaction attendue des parents, on souffle lorsque l’orage est passé, et on l’accompagne sur le choix difficile qu’elle effectue. Le roman fait moins de 100 pages, mais ce sont des pages particulièrement intenses.
Trop tôt est un texte d’une justesse confondante tant sur les émois adolescents que sur l’avortement, à mettre entre toutes les mains, et sur toutes les bibliothèques. L’angle est inattendu et d’autant plus efficace. Parfois, rien de tel qu’un roman pour faire passer un message essentiel. Et c’est ce que Jo Witek a réussi à faire avec ce texte sensible et juste, évitant de moraliser son lecteur !
Un titre qui a l’air vraiment fort
Il l’est !