[Dossier Inde] Ma soeur, mon amour, Divakaruni

Chitra Banerjee Divakaruni est un auteur incontournable en matière de littérature indienne, mais également en ce qui concerne le féminisme. Dans Ma soeur, mon amour, elle dépeint le destin de deux cousines, proches comme des soeurs, déchirées entre modernité et tradition. Un roman idéal pour en savoir davantage sur la condition des femmes en Inde à la fin du siècle dernier.

Anjali et Basudha ne sont pas soeurs, mais cousines. Pourtant, un lien très fort les unit, malgré leurs différences : Sudha est belle et douce. Anju est quelconque et prompte à la révolte. Élevées par leurs trois mères (leurs mères, et une tante, toutes trois veuves), les jeunes filles vont voir la passion, et les épreuves du mariage arrangé mettre à mal leur amour si peu commun.

L’on situe l’action aux années 70, ou 80 sans que ce soit bien clair. Cela ne change cependant pas grand chose : comme des millions d’Indiennes de tout temps, Anju et Sudha doivent conserver une réputation sans tâche en vu d’un mariage arrangé avec un bon parti. Comme l’on peut s’y attendre, c’est la loterie, où l’amour n’a pas sa place. Les deux jeunes filles se plient à la règle sans vraiment protester. Ultime concession aux moeurs, qui, au fil de leur vie de femme, vont se heurter à l’émergence d’un mode de vie occidental.

Déjà décrite dans L’échographie, nouvelle tirée du roman, cette différence entre traditions et modernité occidentale vient du contraste entre la vie des deux jeunes épouses : Anju, moderne et sceptique, vit aux Etats-Unis après son mariage. Elle a le droit de poursuivre ses études, et à la contraception, tandis que Sudha est poussée à la conception par une belle-mère autoritaire qui la fait trimer dans la maison et s’immisce dans la vie intime de sa belle fille, espérant avec ardeur un petit fils.

L’amour unique qui lie les jeunes femmes remonte à leur enfance, quand le Bidhata Purush, le maître des destinées, les a marquées d’un sceau indélébile, celui du malheur : leur naissance a été déclenchée par la mort de leurs pères, partis en quête d’une légende, laissant leurs épouses enceintes au foyer. Nées le même jour, sous les mêmes auspices, Anju et Sudha grandissent dans un foyer matriarcal et ne sont pas épargnées par le poids des traditions.

Nous apprenons donc comment se déroule un mariage indien, du choix des prétendants au sept tours que font les mariés autour du feu nuptial, en passant par la présentation de la fiancée, véritable examen où future belle mère et fiancé interrogent la jeune fille sur tout et n’importe quoi, ou l’application du sindur sur le front, qui dit au monde qu’une femme est mariée. Véritable immersion dans les traditions indiennes, nous découvrons également les aspects moins pittoresques, plus tragiques : meurtre d’une épouse qui ne convient pas pour éviter de devoir rendre la dot, avortement forcé quand l’enfant à naître est une fille, déshonneur en cas d’infécondité. La position de la femme est très précaire : souvent mal accueillie dans sa belle famille, elle doit prendre le relais de sa belle mère dans la gestion de la maisonnée et donner au plus vite un, voire plusieurs, fils à son époux. Une femme à la réputation douteuse, ou inféconde, risque au mieux le déshonneur et le renvoi chez sa mère, au pire la mort. Autant dire que cet aspect des moeurs indiennes fait froid dans le dos.

L’histoire de ces deux jeunes filles se suit avec plaisir, malgré les épreuves qu’elles subissent. Le lecteur a hâte de savoir ce qui va se passer, et le style de Chitra Banerjee Divakaruni permet une lecture fluide et rapide.

8 Commentaires

  1. Je vois que tu as lu plusieurs livres sur l’Inde. Aurais-tu lu par hasard « Le palais des miroirs » d’Amitav Ghosh ? C’est un très beau roman, un de mes coups de coeur de l’année dernière et qui en plus d’un point de vue historique est très instructif. Je te le conseille vivement !

  2. Effectivement ça a l’air passionnant! J’ai vraiment envie de lire quelque chose sur l’Inde sans forcément lire un documentaire… La je pense avoir trouvé =)

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