La trilogie berlinoise, Philip Kerr

Le polar historique est un genre qui a le vent en poupe depuis quelques années : Anne Perry, Peter Tremayne ou Ellis Peters l’ont compris et font depuis des années le bonheur de millions de lecteurs. Le domaine de prédilection de Philip Kerr, c’est l’Allemagne, mais l’Allemagne d’une période particulière : le IIIème Reich. Grâce à un héros qui n’a rien à envier aux privés américains, Philip Kerr parvient à égaler, voir à surpasser les maîtres du genre. Son Bernie a tout d’un Marlowe…

1936 : Cela fait maintenant trois ans que les nazis sont au pouvoir, et chaque année, l’on constate de plus en plus de disparitions, ce qui arrange les affaires de Bernie Gunther, ancien membre de la « Kripo » (police criminelle) reconverti en détective privé. Caustique, courageux, porté sur la boisson et les femmes, Bernie évolue dans un Berlin gangréné par l’idéologie nationale-socialiste, où chaque faux pas peut vous envoyer en « KZ », en camps de concentration.

Cette trilogie montre l’évolution de Berlin, et l’Allemagne entre 1936 et 1948, à travers Bernie, un allemand lambda : blond aux yeux bleus, vétéran de la première guerre mondiale, berlinois pur souche. Malgré son physique « aryen », Bernie n’a aucune affinité avec le pouvoir en place, qu’il dénonce avec une insolence parfois dangereuse. Bernie est à la fois appliqué dans son travail et intéressé, homme à femme et respectueux, sans scrupules mais profondément bon : c’est un personnage attachant. Avec un humour digne des romans de Raymond Chandler, il observe ses contemporains tout en tâchant de résoudre ses enquêtes, ce qui n’est pas chose aisé dans le monde corrompu et dangereux du IIIème Reich. Au fil des pages, Bernie côtoiera des voyous, des SS, des femmes fatales, des hommes politiques, des victimes. L’Histoire se mêle sans cesse à l’intrigue, Philip Kerr jongle avec talent  avec évènements et personnalités réelles.En quelques mots, c’est le Berlin des années 30 qui se dévoile aux yeux du lecteur : à l’aide de quelques noms de rue et de quelques expressions purement allemandes, l’atmosphère est esquissée. L’histoire est en marche, et cette trilogie permet au lecteur de se plonger dans trois grandes phases du IIIème Reich : les jeux olympiques et la montée progressive du nazisme (premières lois antisémites, ou contre les femmes) dans L’été de crystal, puis la période très tendue qui précède directement la guerre dans La pâle figure, et enfin, les années qui suivent la défaite allemande dans Un requiem allemand et qui ne sont pas sans rappeler l’Automne allemand de Stig Dagerman.

Ces romans ont trois grands atouts : un personnage principal à l’ironie palpable, un style rythmé  et un contexte historique très intéressant. Tout ceci nous fait oublier que ce pavé fait plus de mille pages ! Cependant, si cela vous effraie, n’hésitez pas à fractionner la trilogie : vous ne l’apprécierez que davantage. L’on note un changement d’atmosphère brutal à l’orée du troisième tome, qui montre une Allemagne affamée, ravagée et honteuse, où les anciens SS tâchent de dissimuler leur passé peu glorieux, et où l’allemand moyen cherche par tous les moyens à prouver aux Américains qu’il n’a jamais été nazi. Une Allemagne où pointe déjà les prémices de la Guerre Froide. Ce tome-ci permet de faire la jonction avec les tomes suivants, car la trilogie, en réalité, n’en est pas une : deux autres romans mettant en scène Bernie ont été traduits, et deux autres existent en langue anglaise.

A propos Emily Costecalde 1154 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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