Le Pakistan est un pays souvent méconnu des lecteurs : on se le figure lointain, tant géographiquement que par les moeurs. En lisant Transgression, d’Uzma Khan, on découvre pourtant un pays autre, encore jeune, déchiré entre modernité et tradition. Transgression est sans aucun doute LE roman de la jeune génération pakistanaise.
Début des années 90, à Karachi. Dia vient de perdre son père, qui a été assassiné. Jeune fille libre et rêveuse, elle voit sa meilleure amie Nini s’éloigner d’elle lorsque les parents de celle-ci commencent à préparer son mariage, union arrangée qui révolte Dia mais ne trouble aucunement Nini. Le prétendant, Daanish, vient lui aussi de perdre son père : il revient d’un long séjour aux Etats-Unis, où il a étudié pendant trois ans. Le jeune homme a été métamorphosé par ce séjour en Amérique. Acceptera-t-il la volonté de sa mère, prête à tout pour le marier malgré le deuil ? C’est également l’histoire de Salaamat, qui cherche à être autre chose qu’un étranger sans cesse rejeté…
A travers le destin croisé de ces trois jeunes, Uzma Khan, professeur de littérature anglaise, dessine le portrait d’une jeunesse égarée. Dans un pays tout neuf, mais déchiré par des conflits intestins, Dia, Daanish et Salaamat cherchent leur place. Perdus entre modernité et traditions, orient et occident, leurs désirs propres et la volonté maternelle, ils sont parfois prêts au pire, à la transgression sociale, dans un univers où la réputation fait tout.
Dia est une jeune fille libérée : à vingt ans, elle a pour modèle une mère chef d’entreprise, qui lui a promis de ne jamais la marier de force. La mort de son père, puis la possibilité du mariage de sa meilleur amie viennent rompre son cocon et remettent en question tout son univers. En effet, la jeune fille ne comprend pas que l’on puisse se plier à la volonté d’autrui comme le fait sa meilleure amie Nini : elle estime que l’on a toujours le choix, y compris celui de la transgression.
Daanish, lui, a été profondément bouleversé par son séjour aux Etats-Unis : il a découvert des moeurs plus légères, a cumulé les conquêtes féminines et s’est bâti une vie loin de l’influence de ses parents. Cependant, il a aussi découvert que les Etats-Unis n’étaient pas exempts de préjugés et de censure. C’est désabusé qu’il prend l’avion qui le ramène au pays, pour assister aux funérailles de son père. Le jeune garçon est vite face à un dilemme : vivre sa vie en Occident et décevoir les espoirs de sa mère, ou lui faire plaisir en acceptant de fonder un foyer à Karachi. Comment dire non à une mère qui n’a plus que lui au monde? Mais comment renoncer à une liberté si récemment acquise?
Salaamat, lui, cherche à s’évader du rôle d’indésirable perpétuel qui est le sien depuis qu’il a quitté son petit village. De victime, il devient bourreau, cherchant une solution qui n’existe pas.
Les chemins de ces trois personnages se croisent et se recroisent, dévoilant au lecteur une image à la fois réaliste et étouffante des rues de Karachi, où les pannes d’électricité et les pénuries d’eau sont aussi fréquentes que longues, où la bureaucratie est corrompue, où l’égalité des sexes n’est encore qu’illusoire. Nous découvrons le dilemme et le mal-être d’une jeunesse à cheval sur deux mondes, et deux époques, entre émancipation et transgression. Un grand roman, qui se lit avec délectation en quelques heures.
Noté en gros et en gras, ton article m’a donné vraiment envie de le lire !! Pourtant je ne suis pas très copine avec les romans traitant de l’Inde 🙂
Bon dimanche, grosses bises !!
Je suis vraiment contente alors si j’ai pu te « convertir »
Bon dimanche à toi aussi, bises 🙂