The help [La couleur des sentiments], Kathryn Stockett

La couleur des sentiments, paru en France chez un petit éditeur (Editions Jacqueline Chambon), n’était pas forcément un succès annoncé, malgré l’incroyable histoire du manuscrit outre-atlantique. Refusé près de soixante fois par diverses maisons d’édition, il connait finalement un grand succès aux Etats-Unis. Paru en France à la rentrée littéraire 2010, il apparait rapidement comme l’un des quelques livres à lire absolument. En octobre 2011, la Couleur des sentiments, le film, sort sur nos écrans.

De quoi ça parle concrètement? Bienvenue à Jackson, Mississippi, en 1962. Un monde disparu, où Kennedy est président, et où la ségrégation est une réalité dans le sud des Etats-Unis. Une époque où le mouvement des « Civil Rights » est sur le point d’exploser. Mais, à Jackson, la révolution n’a pas encore commencé. Dans les riches familles blanches, ce sont des bonnes noires qui cuisinent, font le ménage et élèvent les enfants. Dans une société profondément raciste, Aibileen a appris à encaisser les remarques et la haine de ses patrons. Son amie, Minnie a, elle, du mal à garder son calme. Leur vie va changer quand Miss Skeeter, une jeune bourgeoise blanche, va progressivement se rendre compte de l’injustice de la situation. Au fur et à mesure que la vision de Skeeter change sur ses bonnes, l’idée d’écrire un livre, de témoigner, commence à s’imposer…

Je dois vous avouer avant toute chose que j’ai vu le film, que j’ai beaucoup aimé, avant de lire le livre, en version originale par ailleurs. Je trouve, d’ailleurs, que le titre choisi en français est d’une niaiserie assez invraisemblablement et je préfère donc désigner ce roman sous son titre original, à savoir The help.

Source : Jacqueline Chambon

Un titre assez ironique, par ailleurs, car les bonnes dont il est question dans ce roman n’aident en rien les bourgeoises assez détestables décrites dans ce livre : en réalité, elles font tout simplement tout, y compris l’éducation de leurs enfants, allant jusqu’à se substituer à une figure maternelle souvent inexistante. Aibileen travaille chez les Leefolt, et s’occupe notamment d’une adorable petite fille de deux ans, Mae Mobley, que sa mère ignore, lorsqu’elle ne la considère pas avec un certain dégoût.

Le monde dans lequel évoluent Aibileen, Minnie et Skeeter a toujours été immuable, depuis l’abolition de l’esclavage en 1865. Dans le sud profond, pourtant, la situation n’a guère changé : le racisme est omniprésent, et la violence latente fait froid dans le dos. Depuis 1896, le Sud ne vit que selon la doctrine « séparés, mais égaux » : une idée solidement ancrée à Jackson, et plus particulièrement chez Miss Hilly, la reine des pestes, à la fois dévorée d’ambition, méprisante, et prête à tout quand il s’agit de se venger. Une idée qui va plus ou moins lancer le roman, quand Miss Hilly décide de convaincre son voisinage de faire construire des toilettes indépendantes pour leur personnel de couleur…

Aibileen, bonne noire d’une cinquantaine d’années, et Skeeter, jeune bourgeoise blanche, n’ont rien en commun, à priori, à part leur désir de changer les choses. Skeeter, Eugénia de son vrai nom, a toujours vécu dans un monde privilégié, ne se rendant pas vraiment compte de se qui se passait autour d’elle. Son retour de l’université va progressivement lui ouvrir les yeux. Peu conventionnelle, ambitieuse, un brin rebelle, Skeeter n’a pas envie de se fondre dans le moule, de se marier et de faire des enfants, qu’elle confierait à une bonne. Son rêve? Écrire. C’était également le rêve de Treelore, le fils décédé d’Aibileen.

Un film très fidèle au roman

Pourquoi aime-t-on? Probablement plus pour la solide amitié qui se noue entre Skeeter et Aibileen et pour l’incroyable galerie de personnages inventée par Kathryn Stockett que pour l’aspect historique. Bien sûr, Kathryn Stockett a fait un énorme effort de vraisemblance, allant jusqu’à jeter aux orties règles grammaticales et formes verbales lorsqu’il s’agit de faire parler Aibileen, dans une tentative de reproduire le parler du Sud des années 60. Cependant, l’on retiendra plus de ce livre la morale finale, à savoir que les gentils gagnent toujours, morale peut-être un peu niaise, mais terriblement jouissive.

Mississippi
A propos Emily Costecalde 1154 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

6 Commentaires

  1. billet précis, dis-donc ! je ne sais pas, toutes les critiques sont bonnes mais je ne parviens pas à me lancer ; ton billet détaillé me tente davantage mais…J’attendrai de voir le film, je crois…en tout cas, cela te fait voyager (j’en suis aussi, de ce tour des étts unis !) , bonnes lectures…

    • Ah, génial ! Tu avances bien dans ton « road-trip online »?
      Le film est vraiment très bon : je craignais quelques longueurs, vu qu’il fait bien deux heures et demie, mais en réalité, je n’ai pas vu le temps passer !

  2. c’est drole de voir que le film ne passe chez moi qu’en VO…Pourtant ce film devrait attirer le public …ou alors le theme est il encore un peu sensible ,meme si nous sommes en France.
    je le lirai certainement ,ton billet m’y incite ainsi que les propos enthousiastes d’une de mes amies.

  3. Je l’ai adoré. Je ne suis pas totlement avec l’assertion selon laquelle les gentils gagnent. A vrai dire, on n’en sait rien. Il est très possible que Skeeter, femme émancipée, reste seule et célibataire, et que Minnie et Aibileen ait à subir la violence du KKK. En fin de compte, il est très fin ce roman. J’ai lu sur le site d’un prof que c’était un bon livre mais pas de la littérature. Je souris.

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