Impossible de ne pas reconnaître d’un coup d’œil les fameuses couvertures des éditions Zulma, avec leur triangle inversé et leurs couvertures aux motifs géométriques. La médiathèque Anne Fontaine d’Antony (92) recevait aujourd’hui Laure Leroy, la fondatrice et éditrice des éditions Zulma. Portrait d’une éditrice passionnée, et d’une maison d’édition pas comme les autres.
Zulma a maintenant vingt ans : créée en 1991, dans le Gers, cette maison d’édition a donc été fondée par deux passionnés, Laure Leroy et Serge Safran. Zulma, un prénom féminin qui fait rêver, une référence au poème de Tristan Corbière « A la mémoire de Zulma » et à Balzac, un nom qui « évoque tout un tas de lointains ».
Zulma est une petite maison d’édition passionnée : une équipe réduite, seulement douze livres parus par an, mais manifestant la volonté de pouvoir s’occuper personnellement de chaque livre. Après quinze ans d’existence, Zulma recommence à zéro, en 2006, réduit drastiquement le nombre de parutions, et adopte les célèbres couvertures, que l’on doit au graphiste anglais David Pearson. Ce changement radical tient à la volonté de manifester fortement sa politique éditoriale, de façon à ce que, au premier coup d’œil, on puisse se dire « Tiens, un livre de chez Zulma ! ».
Laure Leroy exprime la volonté d’ouvrir le catalogue à la littérature du monde entier, mais publie également des auteurs français. Bien qu’elle reçoive à peu près cinq manuscrits par jour, elle se tient à ses douze livres annuels, des livres qu’elle est prête à défendre, des livres qu’elle a aimé, qu’elle a envie de partager. « Je publie des livres qui brûlent les doigts, que l’on offre, dont l’on parle à tout le monde au risque de se montrer insupportable » dit-elle. Elle veut que les lecteurs ressentent la même « panique fébrile » qu’elle, reproduire le même sentiment d’appropriation qu’elle a ressenti chez le lecteur. En somme, Zulma, ce sont des livres faits pour nous changer. Des livres exceptionnels, reconnaissables au premier coup d’œil : les couvertures doivent être un signe immédiat au lecteur, elles doivent lui dire « attention, je suis un objet littéraire singulier ». Laure Leroy voulait des couvertures à la fois très contemporaines, mais aussi référentielles à l’histoire du livre en France, quelque chose dans la lignée de l’imaginaire et du baroque. La connivence entre le récit et la couverture est nécessaire : la couverture doit être « une porte sur l’imaginaire, les mondes, et arrières mondes que l’on va découvrir à la lecture ».
C’est également pour cela que l’éditrice n’opère pas de distingo sur le couvertures entre littérature française et littérature étrangère, pour montrer aussi qu’elle accorde autant d’importance et d’attention à chaque champs, et pour faire ressentir au lecteur qu’il a en main un livre que l’on a pensé, voulu, choyé.
Laure Leroy publie beaucoup d’auteurs étrangers, coréens tels Hwang Sok-Yong ou Lee Seung-U, iraniens comme Zoyâ Pirzâd ou indiens comme Vaikom Muhammad Basheer. Des textes qu’elle découvre en anglais, des livres choisis par des traducteurs par passion, des traducteurs qu’elle accompagne tout au long du travail de traduction. Le travail éditorial est difficile mais passionnant : il faut rendre la singularité du texte original, tout en produisant un texte fluide en français. Laure Leroy crée une relation de confiance avec ses auteurs, comme avec David Toscana qui a pris en compte ses remarques et ses conseils pour les intégrer à ses textes. Un troisième roman de l’auteur mexicain sortira notamment en janvier, L’armée illuminée.
Rosa Candida avait été sélectionné par la médiathèque d’Antony pour le prix des lecteurs 2010. Laure Leroy décrit ce roman comme « un cas magique », un livre ayant « un univers très fort et très séduisant », la proposition d’un traducteur avisé. Et finalement, un succès de librairie, qui peut plaire à tout le monde.
Un certain nombre de maisons d’éditions jouent sur l’effet « poche »: plus petit, moins cher, il est souvent attendu impatiemment par une partie du lectorat. Mais penser que la publication en poche rebooste les ventes et fait connaître un auteur reste, pour Laure Leroy, un mythe. L’augmentation des ventes par la publication d’un format poche ne fonctionne que pour les best-sellers, et encore, quand le lectorat a la patience d’attendre. Ceci explique pourquoi Zulma ne mène pas encore de politique éditoriale bien déterminée concernant les poches.
Pour Laure Leroy, titulaire à la base d’une maîtrise de linguistique anglaise, l’édition est donc un métier de passion, un métier de création, mais aussi de commerce. Elle a une relation privilégiée avec ses auteurs, mais également avec les libraires. Selon elle, il est nécessaire que l’on se mobilise pour préserver la librairie telle qu’on la connait aujourd’hui, mais qui est désormais menacée par le numérique et la hausse de la TVA.
Bonjour,
Article intéressant qui donne très envie de découvrir « les auteurs qui brûlent les doigts » de l’éditrice de chez Zulma !!
Merci ! ça m’a également donné envie de découvrir tout leur catalogue.
Oui, j’aime beaucoup cette maison d’édition qui fait de très beaux livres! J’avais d’ailleurs failli leur envoyer un manuscrit, et puis finalement j’ai choisi une autre maison, mais en tant que lecteur, je continue à être fidèle à leur catalogue…
J’avais rencontré Serge Safran il y a une dizaine d’année, une rencontre très enrichissante !
Article passionnant. J’aime beaucoup cette maison. J’achète régulièrement des livres de cet éditeur aux jaquettes mystérieuses et colorées.