Ces derniers temps, il a été pas mal question de fin du monde. Effet de mode ? Expression d’une crainte ancestrale ? Qui sait ? Toujours est-il que ces temps-ci, la littérature post-apocalyptique et la dystopie ont le vent en poupe.
Pour rester dans le bain, je vous propose un des derniers-nés des éditions Castelmore : Legend, de Marie Lu.
Legend prend place sur les ruines d’une grande ville des Etats-Unis, après une gigantesque catastrophe. Dans cet univers, la société se divise en deux factions. La République, et les autres. Dans cette catégorie, regroupez tout ce qui peut s’opposer, de près ou de loin, au pouvoir en place. Cela comprend donc aussi bien les Colonies (redoutable et turbulent pays voisin), que les Patriotes (un groupe de dissidents terroristes) et, plus globalement, tout ce qui ne vit pas dans les quartiers riches, à l’abri de la terrible épidémie qui ronge les bas-fonds.
Là-dedans, on assiste à la formidable opposition de deux jeunes. D’un côté, Day, l’ennemi public numéro 1, la bête noire du gouvernement, de la police et de l’armée. De l’autre, June, surdouée, jeune prodige de la Nation, promise à une brillante carrière militaire. Puisque le gouvernement jette June sur les traces de Day, les dés sont jetés.
Avec Legend, Marie Lu propose une dystopie à la fois classique et efficace : on y trouve un univers post-apocalyptique, un gouvernement aussi obtus qu’autoritaire, un pays hyper-militarisé, et un fort clivage entre la classe dirigeante, richissime, et les masses laborieuses, extrêmement pauvres. Ajoutez à cela une mystérieuse épidémie contre lesquels les pauvres ne peuvent rien faire. Peaufinez le tout par un système d’insertion professionnelle géré par un Examen qui détermine la future classe sociale de tout un chacun – et donc son degré de réussite – et vous aurez compris que la société de Legend ne va pas très bien. En choisissant de suivre alternativement les pérégrinations de Day et de June, Marie Lu propose un texte rythmé, prenant et d’une redoutable efficacité. Difficile de préférer un des deux protagonistes à l’autre ; ils sont aussi bien travaillés l’un que l’autre, et on n’ignore rien des motivations profondes qui les agitent, ce qui nous les rend immédiatement sympathiques. Distillant les indices, Marie Lu trimballe son lecteur des quartiers chics aux cloaques fangeux, offrant un panorama assez complet de son univers, le tout sans alourdir la lecture, et en évitant l’exposé didactique. Le dynamisme de la narration et le style vif de Marie Lu rendent le roman très attractif, même si le très jeune âge des protagonistes et l’apparente simplicité de l’intrigue font parfois hausser les sourcils. Le lecteur familier des dystopies voit malheureusement rapidement où l’auteur souhaite en venir. Mais elle redresse la barre et évite le happy-end convenu, en proposant une fin en demi-teinte, plus en accord avec l’univers qu’elle a créé. Si la première partie met l’ensemble bien en place, les événements s’accélèrent dans la seconde moitié du roman, qui met le lecteur à rude épreuve. L’auteur va droit au but et, loin de regretter le manque d’informations, le lecteur est totalement happé par le texte et l’envie impérieuse d’en savoir plus.
Avec Legend, Marie Lu surfe habilement sur la mode dystopique actuelle. Elle propose un premier roman riche, avec des personnages complexes, et une intrigue bien ficelée, intense et portée par un style vif et percutant, le tout dans un univers riche, foisonnant et très visuel. Gageons que l’adaptation cinématographique prévue mettra le tout en valeur.
Legend, Marie Lu. Castelmore, 2012.
Par Sia
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