Sandra, une jeune femme d’une trentaine d’années, a décidé de venir s’installer dans un village isolé de la côte est espagnole. Un peu paumée, Sandra – qui vient de quitter un emploi qu’elle détestait et un homme qu’elle n’aimait pas mais dont elle attend un enfant – ne sait pas quoi faire de sa vie. Alors qu’elle passe de longues heures sur la plage, perdue dans ses pensées, Sandra fait la connaissance des Christensen, un couple d’octogénaires norvégiens installés dans le village depuis des années. Rapidement, le lien qui unie Sandra à ce couple devient plus qu’une simple amitié. Ils la prennent sous leur aile, décident de l’aider et la traitent comme la petite-fille qu’ils n’ont jamais eue. Mais un vieil homme tout juste débarqué d’Argentine, Julian, va venir perturber cette union fragile. Il révèle en effet à Sandra qu’il est un survivant du camp de Mauthausen, et que les Christensen ne sont ceux qu’ils prétendent être. Donnant au départ que peu de crédit à l’histoire de Julian, Sandra, étudiant les allées et venues de Karin et Fredrik et considérant leurs silences, finit tout de même par considérer le couple de Norvégiens sous un nouveau jour. Mais elle ne réalise pas encore que la fin de son innocence met sa vie en danger…
Ce que cache ton nom fait partie de ces livres qui auraient pu passer inaperçus dans le flot de la rentrée littéraire 2012, son auteur faisant partie des « poids plumes » de la littérature espagnole, en France. Il s’agit de son second livre traduit dans la langue de Molière, après Un million de lumières en 2006.
Mais, au même titre que Nada, de Carmen Laforêt, en 1944, ce titre a obtenu le prestigieux Prix Nadal, en 2010. Comme pour la plupart des livres primés, cela lui a conféré une aura toute particulière et un véritable tremplin vers les vitrines des librairies et l’international. Quand certains fuient les livres primés comme la peste car perçus comme trop complexes ou trop intellectuels, d’autres les dévorent les uns après les autres.
Peu importe votre position mais, en ce qui concerne Ce que cache ton nom, ouvrez ce livre et laissez vous emporter. Dès les premières pages de cet énième roman sur les nazis, nous faisons connaissance de Julián, 87 ans, ancien Républicain espagnol. Rechappé de camps de Mauthausen avec son ami de toujours, Salva, il a passé le reste de sa vie à pourchasser les personnes qui les avaient emprisonnés. En arrivant à Alicante pour y retrouver Fredrick et Kristin Christensen qui ont travaillé pour le Fürher, il découvre tout un nid de nazis et leurs têtes à claques d’hommes de main… Et ils ont des activités franchement suspectes. Alors que Julián, dont le désir de vengeance reste inassouvi, cherche à comprendre comment ses ennemis peuvent vivre ici sans encombre, il tombe sur Sandra.
Cette femme enceinte de quelques mois et punk est fragile, naïve et superficielle mais devient rapidement un soutien fidèle qui comprend vite que les habitudes de ses hôtes cachent beaucoup de choses. Grâce à son double-jeu, le jeu du chat et de la souris entre Julián et les Christensen va très vite s’installer entre tentatives d’intimidation et enquêtes.
Cependant, certaines choses pourraient en chagriner plus d’un. Notre Julián fait de drôles de prouesses pour son âge et il en va de même pour Sandra, malgré son état de femme enceinte. L’un échafaude des plans farfelus, l’air de rien, court à travers la ville… (Oui, vous avez le droit de penser à Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire de Jonas Jonasson). L’autre enjambe les murs en montant sur le siège de sa mobylette… La crédibilité des personnages en prend un sacré coup.
Le nazisme, la guerre civile, la seconde Guerre Mondiale… Des thèmes vus et revus, il faut en convenir mais Clara Sánchez apporte sa touche d’originalité en abordant la vie des nazis et des victimes survivantes après la guerre, dans une atmosphère lourde et pleine de non-dits.
En librairie, vous pourrez trouver ce titre avec les thrillers et policiers. Les fans du genre seront déçus en ouvrant Ce que cache ton nom ! Il s’agit plutôt d’un roman psychologique mené comme une enquête autour des sentiments humains. Qu’il soit classé avec des romans historiques aurait tout autant choqué dans la mesure où l’Histoire n’est qu’une excuse à l’intrigue.
Clara Sánchez est une auteur qui écrit… et bien. Elle nous happe dès les premières pages grâce à une plume riche et fascinante aux touches d’ironie. Cependant, la traduction peut laisser à désirer avec quelques phrases qui n’ont absolument aucun sens. Une structure valable en espagnol (ou dans une autre) ne l’est pas forcément en français… De plus, certains raccourcis utilisés dans l’histoire sont excessifs : un soupçon devient trop vite un acquis, sans justificatif. Quant à la construction du roman, les chapitres sont très longs mais les points de vue s’alternent de façon très intelligente entre celui qui sait et celle qui découvre.
Libre au lecteur de reprocher à l’auteur de ne pas aborder certaines questions notamment autour de la rédemption ou sur l’oubli et le pardon face à ce genre de crime. Mais le livre fait déjà quasiment 450 pages… Ce livre n’aurait-il pas été trop long et indigeste si Clara Sánchez avait tenté de tout aborder ?
Ce que cache ton nom, Clara Sánchez. Marabout, septembre 2012.
Par Elora
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