Alors que les boules de gui viennent tout juste d’être décrochées et les bouteilles de champagne remisées à la cave, il est temps de se dégotter une nouvelle lecture, pour accompagner la rentrée. Quoi de mieux, dans ce cas, qu’un roman se déroulant dans un établissement scolaire ? Venez donc découvrir la surprenante Maxfield Academy, dans Les Variants, de Robison Wells, la dernière parution de la collection MsK (éditions du Masque), qui s’annonce d’ores et déjà comme un des meilleurs titres du catalogue.
Lorsque Benson Fisher arrive au collège de Maxfield, il pense que tous ses problèmes de familles d’accueil sont enfin résolus. Finis les petits boulots sous le manteau imposés par ses parents adoptifs, finis les déménagements incessants, terminés les foyers d’accueil. Il va enfin pouvoir se consacrer sereinement à ses études grâce à sa bourse, passer des diplômes, et bien se lancer dans la vie.
Malheureusement, tout ne se passe pas exactement comme prévu. Dès son arrivée, Benson constate que le collège est livré aux pensionnaires, surveillés par des caméras vidéo. La discipline y est excessivement stricte, et les élèves obligés de s’intégrer à un des trois gangs existants pour survivre – oui, car vivre n’est pas gagné dès le départ dans cette école atypique. En choisissant les Variants, Benson est persuadé de trouver un moyen de fuir cette école de fous. La seule chose qu’il n’avait pas prévue, c’est que la fuite ne serait peut-être pas possible.
Si le départ semble parfaitement normal et banal – un orphelin se préparant à entrer dans son nouvel internat – la situation se détériore rapidement. Dès son arrivée, Benson se rend compte que Maxfield est tout sauf un collège ordinaire, et le lecteur va lui aussi de surprises en surprises devant l’étonnant concept de ce collège géré par ses élèves. Pire que la surveillance vidéo, la moindre infraction au règlement aussi strict qu’obtus entraîne de sévères châtiments, allant de la simple privation de nourriture à la disparition définitive, sans explication aucune. Pour survivre, chaque gang détient une (infime) parcelle de pouvoir au sein du collège. Ainsi, certains élèves sont en charge de la cuisine, d’autres de la sécurité ou encore de l’entretien. Tout est entre leurs mains – sauf, bien sûr, la possibilité de sortir.
Dès qu’il comprend ce qui l’attend, Benson n’est plus obnubilé que par une chose : fuir. Quitte à mettre les autres en danger, enfreindre joyeusement le règlement et risquer le terrible châtiment qui ne manquera pas de s’abattre sur eux. Malheureusement, l’étincelle de la révolution a du mal à surgir ; on suit donc Benson, essayant de secouer ses inertes camarades, et se moquer de la plus élémentaire sécurité. De ce point de vue-là, Benson est particulièrement agaçant. Nombriliste, égoïste, pédant, il ne tarde pas à se mettre le reste des pensionnaires à dos, et manque de peu de faire de même avec le lecteur. A sa décharge, l’ambiance au sein du collège est délétère et, même s’il est parfois souverainement pénible, on s’attache à lui et on comprend aisément sa démarche – après tout, personne n’aime être enfermé sans motif et contre son gré pour une durée avoisinant la perpétuité. On a l’impression d’assister à une expérience sociologique du type « mettons des adolescents dans une enceinte fermée, et voyons comment cela tourne », et qui n’est pas sans rappeler le roman Sa Majesté des mouches, de William Golding. Sans surprise, on retrouve donc des personnages types, ressemblant ici fort à l’éternelle ribambelle de lycéens américains, dont les comportements sont exacerbés par l’enfermement et la nécessité de se débrouiller seuls. Au huis-clos, Robison Wells ajoute donc la dimension initiatique, le tout mené de main de maître dans une ambiance déroutante et glauque à souhait, se dégradant peu à peu.
Le suspens se densifie, les éléments troublants abondent et la tension monte aussi doucement que sûrement, jusqu’à LA révélation, celle qui fait glisser l’ensemble du récit sur la pente de la science-fiction – et qu’on ne peut évidemment pas révéler ici. Cet aspect débarque presque sans crier gare. Presque car, rapidement, on nourrit des soupçons sur l’essence de ce collège, sans toutefois deviner immédiatement de quoi il est question. Alors que le récit menaçait de s’essouffler et de tourner en rond, la révélation qui est faite à Benson remet toute l’histoire en cause, fait habilement repartir l’intrigue, relance l’intérêt du lecteur et rend le suspens de plus en plus prenant. L’auteur manie brillamment les éléments du huis-clos, de la science-fiction, du roman d’énigmes, tout en lorgnant de temps en temps vers le thriller, ce qui fait des Variants un roman aussi riche qu’efficace. Tout est parfaitement dosé : le lecteur marine un certain temps, évaluant toutes les possibilités, cherchant, pesant le pour et le contre, tandis que le suspens devient de plus en plus bluffant. Les révélations arrivent à point nommé, cassant agréablement le rythme, et relançant l’intérêt. Mieux, la science-fiction arrive par petites touches, en s’ancrant dans une situation très réaliste, ce qui provoque un décalage aussi subtil qu’agréable. Au final, ce dynamique roman jeunesse ravira certainement les amateurs de romans fouillés, et plaira tant aux lecteurs de thrillers qu’aux lecteurs non rétifs à la science-fiction. Quoi qu’il en soit, un roman à ne manquer sous aucun prétexte !
Les Variants, Robison Wells. Editions du Masque, 2013.
Par Oihana
Effectivement un roman à découvrir et dire qu’il va falloir attendre novembre pour avoir la suite !