C’est moi qui éteins les lumières

Peu de romans dévoilent l’intimité d’une famille arménienne en Iran : grâce à Zoyâ Pirzâd, nous avons l’opportunité de vivre le quotidien de la famille de Clarisse, dont la vie va être bouleversée par l’emménagement d’une nouvelle famille dans son quartier.

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La vie de Clarisse, femme au foyer arménienne vivant en Iran, est bien réglée, entre son mari Artosh, son fils adolescent et ses filles jumelles de neuf ans. Un jour, en rentrant des cours, ses jumelles ramènent Emilie, leur nouvelle amie, de trois ans leur aînée, qui vient d’emménager dans le quartier. Emilie vit avec son père, Emile et une grand-mère dominatrice et sans gêne. Cette nouvelle famille va progressivement s’immiscer dans les habitudes de la famille de Clarisse : alors que la jeune Emilie commence à jouer avec les sentiments d’Armen, le fils de Clarisse, Emile et Clarisse se rapprochent, tandis que la grand-mère, Madame Simonian, s’invite régulièrement chez sa voisine, devenue malgré elle sa confidente.

C’est moi qui éteins les lumières est la phrase rituelle de Clarisse à son époux, chaque soir. Nous ne savons pas exactement quand se déroule l’histoire, mais nous devinons très rapidement que ça se passe avant la révolution islamique. L’existence de Clarisse est extrêmement protégée, au sein de son quartier : elle est libre de sortir à sa guise, tête découverte. Sa cuisine est régulièrement envahie par sa mère et sa sœur, personnages d’anthologie, un véritable duo comique qui ne cesse de se chamailler. La sœur de Clarisse est perpétuellement en quête d’un mari, et passe sa vie à bâtir des plans sur la comète. Au delà de la banalité du quotidien, Zoyâ Pirzâd décrit la vie d’une femme au foyer avant la révolution islamique avec une minutie presque sociologique. Puis, un jour, un minuscule grain de sable enraille la mécanique. Clarisse rencontre Emile, le père d’Emilie, l’amie de ses filles : elle commence à remettre en cause son dévouement total à sa famille, à se rappeler qu’elle est une femme. Parfois, elle se surprend aussi à se demander si cet homme si sensible, si discret, ne pourrait pas être davantage qu’un ami, tout en n’osant véritablement émettre l’idée. Clarisse vit une crise intérieure, mais au fond rien ne changera. Ses convictions vacilleront mais la vie continuera comme avant.

Emilie lui fait également brutalement comprendre que son fils Armen n’est plus son bébé, qu’il devient un homme. Cette prise de conscience l’attriste. Au fil des pages, Clarisse se sent de plus en plus seule. Zoyâ Pirzâd dresse un formidable portrait de femme, tout en subtilité, en jouant avec les différents facettes de Clarisse, tantôt épouse et mère, mais rarement femme. C’est un beau roman, tout en sensibilité et en pudeur.

C’est moi qui éteins les lumières, Zoyâ Pirzâd. Editions Zulma, mai 2013 pour la version poche.

Par Emily

A propos Emily Costecalde 1154 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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