Vous connaissez bien mon penchant pour l’Histoire, surtout celle du XXe siècle. Je suis interdite, d’Anouk Markovits nous plonge dans le quotidien d’une famille Satmar des années 30 à nos jours, à travers le destin de quatre générations. La famille Stern survivra à l’holocauste et vivra, déracinée, en France, voire aux États-Unis pour certains de ses membres.
L’histoire commence en 1939 quand Josef, cinq ans, est sauvé de justesse du massacre de sa famille par une paysanne qui le fait passer pour son fils, catholique. Quelques années plus tard, Josef sauve à son tour une enfant juive, Mila, et la confie à Zalman Stern, un chef religieux de la communauté Satmar. Zalman a déjà une fille, Atara, mais il va élever Mila comme si c’était la sienne. Mortifié à l’idée que le jeune Josef puisse vivre en reniant sa religion, Zalman intervient et le fait envoyer aux États-Unis, au sein de leur communauté.
Mila et Atara grandissent et deviennent inséparables. La famille Stern quitte l’Europe de l’est pour Paris. Mila devient de plus en plus pieuse, alors qu’Atara remet en cause l’enseignement que leur transmet leur père. Le destin des jeunes filles se sépare le jour où Mila accepte d’épouser un jeune homme juif, qui n’est autre que Josef. Atara refuse que l’on décide de sa vie à sa place et tourne le dos à sa famille.
S’immerger dans l’histoire d’une communauté, dont les codes et les lois nous sont inconnus, n’est pas des plus faciles. Aussi, il ne faut pas hésiter à persister si l’on a un peu de mal à rentrer dans le récit. L’histoire d’Atara et de Mila est universelle : elle touche chaque personne qui s’est senti un jour tiraillé entre les attentes de son cercle familial et ses aspirations profondes, qu’il soit ou non question de religion. Mila puise un certain réconfort dans la religion, et ne cherche pas à voir au-delà : elle obéit scrupuleusement aux règles. Pourtant, elle va se heurter à la réalité de la vie, dans tout ce qu’elle a de plus tragique. Atara, elle, remet en question la Torah dès le plus jeune âge. Petite, elle n’hésite pas à braver l’interdit paternel et à lire en cachette. Devenue adulte, elle rejette la religion de ses ancêtres pour se libérer. Ce choix est très difficile, car il signifie qu’elle sera toujours ostracisée aux yeux des siens, et qu’elle ne pourra plus vivre avec eux.
La branche religieuse à laquelle appartient la famille Stern est très rigoureuse, et les lois qui dictent la vie au quotidien sont nombreuses. Le rôle de la femme y est scandaleux : on leur demande juste des ventre féconds et un regard obéissant. L’éducation ne leur est pas permise, à moins qu’elle ne soit religieuse. Leur vie de femme est strictement réglementée : une fois qu’on leur a choisi un époux, elles doivent veiller scrupuleusement à ne pas partager la couche de leur mari lorsqu’elles ont leurs règles, car elles sont alors impures. Les jours où elles peuvent tenter de concevoir un héritier sont très codifiés. Elles ne peuvent montrer leurs cheveux, leurs genoux…La vie de Mila semble bien triste dans ses conditions : l’amour et la tendresse que se portent des époux sont parfois impuissants face à la rigidité de la religion et à la culpabilité qui peut parfois survenir au sein du couple. De plus, la pression est très grande sur les épaules de la jeune femme, et chaque jour, les femmes de la communauté scrutent son ventre, guettant le moindre signe de grossesse. On ne comprend alors que trop bien qu’Atara préfère vivre seule, mais libre.
Roman très émouvant, Je suis interdite est un livre qui sonne juste, et qui ne peut que toucher le lecteur.
Je suis interdite, Anouk Markovits. JC Lattès, 2013.
C’est un bouquin de la rentrée littéraire ?
Tout à fait cher Maxime !
Je viens de le lire pour le prix Elle et j’ai beaucoup aimé cette histoire familiale. En plus de ça, j’ai aussi appris beaucoup de choses sur le hassidisme. Très instructif!