Malavita : « On obtient plus de choses en étant poli et armé qu’en étant juste poli. »

Qu’un livre de la collection Blanche de  Gallimard soit adapté au cinéma avec Robert De Niro, cela peut surprendre. Pourtant, lorsqu’on lit Malavita, de Tonino Benacquista, De Niro s’impose illico dans le rôle de Giovanni, alias Fred Blake, mafieux repenti planqué en Normandie. Oui, vous avez bien lu. Giovanni était un des grands pontes de la mafia du New Jersey, jusqu’au jour où, rattrapé par les fédéraux, il balance ses confrères, est gracié et bénéficie du programme de protection des témoins. Tout d’abord planquée au fin fond des États-Unis, la famille de Fred est mise à prix par l’ensemble de la Cosa Nostra américaine. D’où l’exil en France, sur la côte d’Azur, à Paris, puis en Normandie. Le décalage est total.

Arrivé dans un bled qui laisse les Américains rêveurs, car la Normandie, c’est tout de même le débarquement et son mythe, Giovanni, devenu Fred Blake, se construit un personnage d’écrivain excentrique, et se prend au jeu. Sa femme Maggie essaie de racheter le passé de son mari en se jetant corps et âme dans les bonnes œuvres. Belle et Warren, les enfants, reproduisent inconsciemment les schémas de violence et de corruption que leur a inculqué leur père. Pourtant, tout ce que veut cette petite famille, au fond, c’est de vivre tranquillement, sans attirer la curiosité mal placée des voisins. Mais le naturel revient vite au galop, en témoigne un certain barbecue qui manque de mal tourner dans le livre, et une rencontre avec le plombier qui tourne mal dans le film.

Luc Besson s’est emparé du récit inventé par Tonino Benacquista et en a fait une parodie de film de mafieux savoureuse, se permettant même un méga clin d’œil au film incontournable de mafieux, Les Affranchis, de Martin Scorcese. Pour Tonino Benacquista et Luc Besson, Robert De Niro était l’acteur idéal pour incarner Giovanni, cet homme arrivé à l’automne de sa vie, qui a longtemps fait de la violence et des menaces son mode de vie, et qui décide de coucher son histoire sur le papier. Robert De Niro dit lui avoir apprécié l’humour et l’ironie féroce du scénario. A ses côtés, Michelle Pfeiffer incarne à merveille l’épouse fatiguée d’une vie faite de dissimulations et de mensonges.  Elle assure l’unité de la famille et semble la personne la plus équilibrée du quatuor. Bien qu’elle semble acceptée par ses voisins, elle souffre de l’antiaméricanisme primaire de certaines des personnes qu’elle croise dans sa nouvelle vie. Et quand Maggie, toute généreuse et douce qu’elle puisse sembler, se met en colère, croyez-nous, cela fait des étincelles. Nés dans une famille de mafieux, Belle (Dianna Agron) et Warren (John D’Leo) sont des enfants tout à fait charmant, si ce n’est qu’ils sont les dignes héritiers de Giovanni. Belle porte bien son prénom. Dans sa quête de perfection, la jeune fille excelle en classe, et prend soin de son physique de princesse. Pourtant, ce n’est pas une adolescente sans défense : confiez-lui une raquette, et vous verrez comment elle peut transformer un accessoire de sport en arme redoutable. Warren, lui, arrive en deux jours à s’imposer dans l’école, en soudoyant les bonnes personnes, et en réorganisant entièrement la hiérarchie scolaire. Son père avait la rejoint la Famille à treize ans, et Warren, du haut de ses quatorze ans, rêve de marcher dans ses pas. Voire même de voir plus loin, et de réorganiser la mafia américaine ! Drôle de famille que celle-là. N’oublions pas Malavita, la chienne, qui ne fait pas grand chose d’autre que dormir, mais donne tout de même son nom au livre et au film, nom qui n’a rien d’anodin puisque la mala vita désigne également la mafia.

Le débarquement de cette famille de mafieux n’est qu’un prétexte à l’auteur, comme au réalisateur pour dépeindre un véritable choc culturel, et décrire la douleur des expatriés. Luc Besson se moque gentiment, et à égalité, des deux cultures : les Américains ne peuvent vivre sans beurre de cacahuète, mais à l’inverse, la petite ville de Normandie est aux yeux de Fred Blake la ville du camembert. La famille de Fred n’est pas seule à vivre la douleur de l’exil : dans la maison d’en face, Tommy Lee Jones et ses deux acolytes du FBI surveillent la famille Blake et leurs voisins. Une surveillance que Maggie n’hésite pas à mettre à profit pour en apprendre davantage sur ses voisins, espionner ses enfants et protéger son mari de ses vieux démons ! Le duo Tommy Lee Jones/Robert De Niro fonctionne très bien : Luc Besson le dit lui-même, ces deux acteurs de talent ont notamment été capables de jouer une scène de quatre minutes en une seule prise, offrant un merveilleux moment de cinéma à l’équipe, laissant tout le monde bouche bée. Globalement, on peut dire qu’il y a une vraie alchimie entre les acteurs du film, et que cela se voit à l’écran.

Si Malavita, le livre, est de ces romans que l’on dévore quasiment d’une traite, dont le texte semble couler sans effort, Malavita, le film, est un condensé d’humour et d’action des plus jubilatoires. Sans mauvais jeu de mot, on peut dire que Malavita, c’est une tuerie.

Quant au livre, il est disponible en collection Folio. C’est un éclat de rire permanent, servi par une écriture juste et efficace. Une suite, Malavita encore, existe.

Par Kévin

A propos Kévin Costecalde 352 Articles
Passionné par la photographie et les médias, Kévin est chef de projet communication. En 2012, il a lancé le blog La Minute de Com, une excellente occasion selon lui d'étudier les réseaux sociaux et l'actualité. Curieux et touche-à-tout, Kévin aime les challenges, les voyages et l'ironie.

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