Il est des livres dans lesquels on plonge sans retenue et d’autres où le cadre s’impose. Le Baiser du rasoir appartient pourtant aux deux catégories.
Prévôt : Agent du seigneur ou du roi chargé de rendre la justice et d’administrer le domaine qui lui est confié. Voilà qui annonce le cadre. Pourtant, on commence à l’envers. Notre héros s’appelle Prévôt, certes mais son nom ne colle pas avec la définition. Cet ancien enfant des rues administre bel et bien un domaine : celui qu’il s’est attribué à Basse-Fosse où il vend de la drogue. La justice est rendue également, de manière partiale et expéditive, mais rendue. Voici notre personnage présenté. Plantons maintenant le décor. Celui-ci est sis à Rigus dans le quartier de Basse-Fosse. L’ambiance est sombre, noire, nous sommes dans un bidonville ou peu s’en faut où règnent la peur et la maladie. Chaque partie du quartier est divisé entre les divers trafiquants qui sont tous à couteaux tirés.
Cet univers funeste et de mauvais augure nous présente des personnages ayant perdu toute innocence, ayant perdu toute notion d’honneur pour ne garder qu’une idée en tête : survivre ! C’est dans cet état d’esprit, entre deux bouffées de souffle de farfadet que l’on découvre notre héros. Rat des rues, ami du premier thaumaturge du pays, vétéran de guerre, ancien agent de la Couronne et criminel notoire même si de petite envergure, Prévôt est un héros dont on ne sait si on l’apprécie ou si on voudrait le rouer de coups. Le récit commence lorsqu’une petite fille est enlevée puis retrouvée morte, affreusement mutilée et violée. Prévôt se lance dans l’enquête à corps perdu avec pour but de retrouver l’assassin.
Le Baiser du rasoir est un roman prenant qui vous emmène dans le dédale des rues de Basse-Fosse. Mais si les premières pages sont passionnantes et nous donnent envie de plonge plus avant dans l’histoire, la fin est largement décevante et souvent incohérente. L’auteur soulève un grand nombre de points vitaux qu’il laisse sans réponses. Daniel Polansky choisit la facilité et mène l’enquête de son héros avec laxisme et avant la moitié du roman, le lecteur aura deviné qui se cache derrière les traits de l’horrible meurtrier. L’antihéros qu’est Prévôt nous balade à travers un univers certes intéressant mais incompréhensible car non-expliqué. Dans la fantasy classique, les races sont connues de tous et on les retrouve avec plaisir. Les amateurs du style, dont je fais partie, sont toujours ravis de découvrir de nouveaux mondes et de nouvelles races. Mais pour ma part, j’apprécie également de les comprendre sans m’y perdre. Ici, aucune explication ne nous permet de décrypter le récit que nous livre Polansky.
Cet ouvrage reste une bonne lecture de détente mais n’en attendez pas un renversement de vos vues sur la fantasy. La suite de la série est en route, j’attendrais de l’avoir lu pour formaliser mon avis, mais les préjugés de départ seront là (avec toutefois le grand rêve qu’ils soient balayés).
Le Baiser du rasoir, Daniel Polansky. Gallimard Folio SF, janvier 2013
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