14-18, une minute de silence à nos arrière-grands-pères courageux

Peur. Angoisse. Insécurité. Epouvante. Ennemi. Agressivité. Frayeur. Blessure. Violence. Tranchées. Agonie. Terreur. Douleur. Destruction. Dépouilles. Gueules cassées. Solitude. Victime. Soldat. Guerre. Tuerie. Veuve. Cri. Vermine. Laideur. Courage. Volonté. Espoir. Héros. Survie. Bravoure. Sang-froid. Témérité. Confiance. Ténacité. Solidarité. Ardeur. Force. Vaillance. Soutien. Entraide. Hommage. Victoire. Conquête. Joie. Retrouvailles. Vie.

« Hélas, ma Chère Adèle, il n’y a plus de mots pour décrire ce que je vis. Gustave »

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L’album de Thierry Dedieu est poignant, plein d’émotions qui nous envahissent et contre lesquelles on ne peut rien. La phrase de Gustave commence ce livre. Elle est basique, percutante, et surprenante à la fois. Qui s’attendrait à voir les horreurs simples de la guerre des tranchées après cette simple affirmation ? Le quotidien affreux d’hommes sur le front ? D’hommes qui essaient, tant bien que mal, de garder l’étincelle d’espoir vivace. Un jour. Un jour la guerre finira, un jour ils rentreront chez eux, un jour ils retrouveront les bras de leurs femmes, un jour ils serreront de nouveau leurs enfants dans leurs bras, un jour ils pourront reprendre la routine tant décriée auparavant, un jour ils retourneront au travail. Mais ce jour-là, ils ne seront plus les mêmes. Ils auront vécu comme leurs parents les monstruosités de la guerre. Ils en seront, comme eux, hantés le restant de leurs jours.

Une page par dessin, une page par tranche de vie. Simple, un lapin à l’affut. Abominable, l’explosion d’un obus, des corps déchiquetés. Tranquille, un homme dans une tranchée silencieuse et couverte de neige. Atroce, des portraits de gueules cassées. Et toujours, omniprésente, la mort.

Oui, cet album est dur. Les dessins dans des teintes sépias nous donnent presque l’impression de clichés pris sur le vif. Le silence qui emplit les pages renforce la difficulté à le parcourir et pourtant. Pourtant, il nous aide à nous rappeler pourquoi. La nature humaine est violente mais chaque génération rêve que la suivante ne connaisse pas les mêmes horreurs qu’elles. Les soldats de la Grande Guerre ont été élevés dans la haine des allemands suite à la guerre franco-allemande de 1870. Ils prennent la revanche dont leurs parents rêvaient en souhaitant que leurs fils et leurs filles ne connaîtront pas les tranchées et les gaz. Malheureusement, vingt ans après, ils prieront pour la survie de leurs enfants quand la seconde guerre mondiale envahira le continent.

Thierry Dedieu termine en nous livrant la lettre de réponse d’Adèle. Cette missive est pleine d’intimité, de demande, d’espoirs et de crainte pour l’homme aimé. La femme du poilu s’ouvre à lui et sollicite qu’il s’ouvre à lui. Elle veut tout savoir, tout partager avec lui, le beau comme le laid, le cru comme le délicat. Elle l’aime et veut qu’il lui revienne. Cette lettre bouleversante achève les impressions oppressantes des images. Elle vous donne envie de pleurer, envie de crier aux hommes que la guerre ne sert à rien, mis à part faire du mal et détruire des vies.

Cet ouvrage, s’il n’est pas à mettre entre toutes les mains, reste un puissant et magnifique hommage à une génération de soldats courageux.

 14-18, une minute de silence à nos arrière-grands-pères courageux, Thierry Dedieu. Le Seuil, février 2014.

Par Léa

1 Commentaire

  1. Une superbe chronique… Difficile de réagir sur un ouvrage pareil… Il m’a prise aux tripes aussi.

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