Les Yeux jaunes des crocodiles fait partie de ces livres qui semblent avoir été écrits pour être adaptés. Et pourtant, le moins qu’on puisse dire c’est que le film s’est fait attendre : huit ans ! Déjà impatiente en 2012, j’avais eu l’occasion de demander directement à Katherine Pancol s’il y avait un projet en cours, et elle m’avait répondu qu’elle voulait que ça se fasse (tu m’étonnes !) et que les droits avaient été achetés (tu m’étonnes !), mais qu’elle avait du mal à trouver un scénariste car ses livres «faisaient peur» à cause du nombre de personnages et de sous-intrigues qui se mélangent. C’est justement cet entrelacs foisonnant qui faisait la qualité des Yeux jaunes et de LaValse lente – car oui, j’assume avoir été une lectrice enthousiaste de Pancol… jusqu’à ce que je lise Les Écureuils de Central Park et que je la voue aux gémonies, mais c’est une autre histoire. La lecture des deux premiers tomes procurait le même plaisir addictif qu’une série télé : les intrigues se croisaient avec fluidité, on s’attachait très vite aux personnages qui étaient dans l’ensemble assez crédibles, et de petit chapitre en petit chapitre, on avait du mal à lâcher le bouquin. Bref, c’étaient des livres de détente mais bien menés, avec une écriture dynamique et relativement subtile – prenez l’exact opposé de tout ce que je viens de dire, vous avez mon avis sur Les Écureuils. Hélas, vous avez aussi mon avis sur le film.
Le casting m’avait pourtant donné de l’espoir : je n’aurais pas imaginé mieux que Julie Depardieu et Emmanuelle Béart pour incarner respectivement Joséphine, spécialiste du Moyen-Âge un peu gauche qui n’a pas plus d’argent que de confiance en elle, et sa sœur Iris, bourgeoise oisive et superficielle qui vit dans le regret d’une carrière d’actrice avortée. J’ai donc beaucoup de mal à dire que c’est mal joué, parce que je suis convaincue qu’elles étaient les meilleures options. Non, je crois que le problème principal vient de l’écriture elle-même : des personnages caricaturaux (presque tous, mais surtout Henriette), des dialogues qui manquent de naturel, et des scènes qui ne marchent tout simplement pas (pour éviter les spoilers, je vais être elliptique : la scène avec Antoine et les crocodiles, je ne me souvenais pas que ça se passait comme ça dans le livre et ça ne colle pas du tout avec son personnage). C’est tout simplement une mauvaise adaptation : il a bien sûr fallu réduire les sous-intrigues, le foisonnement du livre n’était pas transférable à l’écran en l’état, mais c’est justement ce qui permettait à Pancol de noyer le manichéisme niaiseux sous-jacent… La simplification fut donc fatale.
Les scénaristes ont choisi – ça s’imposait – de développer en priorité l’intrigue autour du marché que passent les deux soeurs : Iris, qui se fantasme en écrivain à succès pour se désennuyer, demande à sa sœur d’écrire un livre à sa place (en échange de l’intégralité des bénéfices). Le film avait donc un vrai fil conducteur, ce qui est un bon point, mais tant qu’à faire peut-être aurait-il mieux valu sacrifier totalement les intrigues secondaires plutôt que d’en laisser des moignons trop peu approfondis pour qu’on y adhère (Marcel et Choupette, notamment)? Je ne sais pas. En tout cas, l’équilibre de Pancol est rompu. La petite famille semble d’autant plus artificielle que les dialogues sonnent souvent faux et semblent copiés-collés du livre, ce qui fonctionnerait peut-être au théâtre mais qui, à l’écran, contraint les acteurs à un jeu excessif. Patrick Bruel est peut-être le plus crédible (!), et les seconds rôles de Choupette (Karole Rocher) et Shirley (Nancy Tate) méritent une mention spéciale, mais Henriette (et pourtant, c’est Edith Scob) en fait vraiment trop et Samuel Le Bihan… Mon Dieu. Mais une fois encore, les dialogues sont plus à blâmer que les acteurs.
Bref, je n’en jette plus : si vous aviez aimé le côté foisonnant et naturel du livre qui, à mon sens, faisait le talent de Pancol (dans le genre «beach book», s’entend), il y a de fortes chances pour que le film vous déçoive. Mais bien sûr, je vous recommande quand même d’aller vous faire votre propre opinion, qui sera peut-être meilleure que la mienne – surtout maintenant que j’ai fait mon possible pour diminuer vos éventuelles attentes !
Les Yeux jaunes des crocodiles, Cécile Telerman. 2h02. En salles le 9 avril 2014.
Par Lisa
C’est dommage, j’avais un si bon souvenir du livre.
Je n’ai pas encore lu le T3, mais si j’ai bien compris, c’est tant mieux !
Je suis sidérée de lire autant de critiques sur un film qui en 2 heures de temps – c’est évident – ne peut pas prendre en compte toutes les intrigues foisonnantes de l’histoire.
J’ai trouvé le film fidèle au livre et bien joué. Et j’ai beaucoup aimé me replonger dans la vie de ses personnages.
Quant au T3 moi, je me suis régalée. Et j’ai été accro à celui-ci comme je l’ai été aux 2 premiers tomes. Et j’aurais bien aimé qu’il y en eût un 4ème, un 5ème…. 🙂