Roman épistolaire sur fond de deuxième guerre mondiale vécue par les femmes, Petites recettes de bonheur pour les temps difficiles est d’ores et déjà considéré comme le digne héritier du Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates, et encensé par la blogosphère. Mes attentes étaient donc grandes quand j’ai ouvert le roman de Suzanne Hayes et de Loretta Nyhan : hélas, si le potentiel était là, le résultat fut finalement décevant.
Nous sommes en 1943 et deux femmes qui ne se connaissent pas commencent pourtant une correspondance pour tromper leur solitude. L’une est jeune et plutôt aisée, la seconde pourrait être sa mère. Si Glory Whitehall n’a que son époux au front, Rita Vincenzo a elle deux héros au combat : son mari, et son fils, tout juste âgé de dix-huit ans. Les deux femmes commencent à se raconter mutuellement leur quotidien et à se donner des conseils, joignant fréquemment recettes et astuces à leurs lettres. Glory raconte ainsi sa grossesse et son inquiétude pour son petit garçon de constitution fragile, mais également son attirance trouble pour son voisin, un ami d’enfance. Rita, elle, lui narre en retour ses relations avec Roylene, la petite amie de son fils, une gamine maigrichonne et dépenaillée.
Ces échanges de lettres permettent de comprendre le quotidien de la femme au foyer américaine des années 40 et la manière dont, avec la guerre, elles vont gagner peu à peu davantage d’indépendance : mais les journées de Glory et de Rita demeurent bien ternes, et on peine un peu à rentrer dans l’intrigue. Le récit décolle cependant à quelques instants charnières, saturés d’émotion, qui nous donnent facilement les larmes aux yeux, plus pour l’universalité des drames évoqués que par empathie pour les deux héroïnes. Le deuil est bien sûr une réalité de l’époque, et les deux amies se soutiennent à distance, évoquant leurs petits plaisirs pour éloigner la peur. En très peu de temps, leur relation devient très puissante : il faut dire qu’en dehors de leurs voisines respectives (l’inénarrable Madame K., personnage le plus intéressant du roman), les deux femmes sont très isolées.
L’entraide est assurément le thème phare du roman : en Rita, Glory retrouve une figure maternelle et en Glory, Rita trouve une jeune femme à conseiller et à guider. Puis, d’autres lettres se mêlent au récit : même Roylene, qui semblait incapable pourtant d’aligner plus de trois mots, prend la plume, avec une certaine fluidité étonnante vis à vis de son relatif mutisme habituel. Et si les courriers des hommes partis au front semblaient écartés au début, quelques unes de leurs lettres sont données à lire en deuxième partie du roman. Le traumatisme de la guerre est bien évidemment évoqué.
Petites recettes de bonheur pour les temps difficiles ne tient malheureusement pas toutes ses promesses : le récit développe des idées intéressantes, mais reste assez plat. Quel dommage, cela partait pourtant si bien.
Petites recettes de bonheur pour les temps difficiles, Suzanne Hayes et Loretta Nyhan. Belfond, juin 2014. Traduit de l’américain par Nathalie Peronny.
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