La danse envoûtante de Maguy Marin

© Christian Ganet

Spectacle court (une heure) et au titre modeste, « Bit » (en anglais: morceau, partie) n’en est pas moins une fresque de la vie. Pour sa nouvelle création aux Abbesses dans le cadre du festival d’Automne, la chorégraphe à la renommée bien assise transforme l’existence en une ritournelle de rythmes.

D’abord, la musique, incantatoire. Puis les danseurs, serpentant en ronde entre les six plans inclinés posés sur la scène. Le tout forme le premier tableau d’une parade inquiétante et obscure. Bienvenue dans « Bit ».

Les corps se suivent et se ressemblent, entonnent le même pas dansé, simple et entraînant. En prenant de l’ampleur dans l’espace et dans son incarnation, le mouvement en devient frénétique. Les trois danseurs s’entrechoquent aux trois danseuses, comme un prélude aux danses nuptiales qui suivront. Pourtant, si le couple a une place importante dans le spectacle, sa présence est glaçante: les femmes fuient les avances masculines, les actes sexuels se font viols. Dans une semi-pénombre, des moines « dansent » ainsi leur abus successif d’une femme étendue sur le sol, jusqu’à jouer une danse macabre. La tension monte « bit by bit » (petit à petit), portée par les effets de lumière stroboscopiques et par la musique de Charlie Aubry: électro entremêlée de sons qui évoquent une machine à laver.

En un court spectacle, Maguy Marin saute d’un univers à l’autre: les costumes vont des robes médiévales aux tenues de soirée, en passant par la nudité presque intégrale. Les danseurs jouent avec la gravité, montent et descendent mais avec un rythme propre pour chacun. Des applaudissements saccadés et désynchronisés s’échappent régulièrement de leurs mains. L’éclectisme fait loi, mais toujours la ritournelle du début rappelle la continuité qui distingue « Bit » des autres création de la chorégraphe.

La composition, réglée au millimètre, a des allures de tableau. Un tapis rouge est déroulé sur l’un des plans inclinés, les danseurs en toge glissent lentement dessus, dans un fouillis de corps et d’étoffe. On jurerait un Delacroix animé.

« Bit » était présenté au théâtre des Abesses (18e) jusqu’au 15 novembre et au Forum, scène conventionnée de Blanc-Mesnil, le 18 novembre.

par Amélie Bouret

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