Avec son premier tome, Imposteur, Suzanne Winnacker esquissait un monde que les humains lambda partagent avec les Variants, sorte d’êtres humains mutants dotés de pouvoirs proprement surnaturels. Et le premier volume ne laissait aucun doute : à l’instar des mutants de X-Men, les Variants se séparent en deux bords, dont les idéaux sont aux antipodes les uns des autres.
Tessa fait partie de la CAE, la très secrète Cellule des Aptitudes Extraordinaires du FBI, et aspire à devenir une enquêtrice renommée, utilisant ses pouvoirs de métamorphose au service du bien. Elle vit depuis deux ans au centre de formation, comme une orpheline, sa mère ayant coupé les ponts avec son « monstre » de fille, et son père ayant purement et simplement abandonné la famille. Heureusement, il y a Holly, sa meilleure amie, douée du don d’invisibilité, le mystérieux mais non moins sympathique Alec, son très (très très) costaud meilleur ami, et le charmant Devon, aux capacités régénératives formidables, que Tessa a ramené de sa première mission.
Et cette fois, la mission de Tessa est plutôt simple : elle doit simplement incarner un sénateur et discourir à sa place, car celui-ci craint pour sa sécurité. Après avoir déjoué un complot de l’armée d’Abel avec serial killer à la clef, rien de plus simple. Sauf que… l’armée d’Abel est sur le coup, et enlève Holly par erreur; sauf que Tessa découvre qu’Alec lui ment depuis toujours et la manipule ; sauf que Tessa s’aperçoit que le commandant ne lui a pas tout dit sur ses parents…
Premier point positif : ce premier tome corrige les défauts du précédent. La superficialité du premier tome est gommée, au profit d’une histoire assez riche. Certes, il ne se passe pas grand-chose ; certes, certains développements sont cousus de fil blanc. Mais le tout est mieux amené que précédemment. Déserteur est un très bon tome de transition. L’auteur approfondit son univers, et passe d’une opposition manichéenne (la CAE versus l’Armée d’Abel), à un joyeux flou artistique, laissant le lecteur dans l’expectative et la recherche d’indices. Au fil des chapitres, Tessa découvre en effet que les personnes ayant joué franc-jeu avec elles sont assez rares, et qu’il se pourrait qu’elle ne soit pas exactement la personne qu’elle pensait être… une découverte assez perturbante.
Le trouble de la jeune fille est plutôt bien rendu ; ce second volume est également l’occasion d’approfondir la psychologie des personnages, principaux ou secondaires, ce qui permet de nuancer les forces en présence.
De plus, le rythme est nettement mieux géré que dans le premier tome ; pas de temps morts, pas de raccourcis trop faciles, et l’intrigue tient nettement mieux la route ! Vraiment, ce second tome s’en sort avec les honneurs.
Finalement, le seul point négatif que l’on pourrait reprocher à Déserteur, c’est le style. Autant il était adapté dans le premier tome, autant ici il dessert le roman. Le niveau de langue est extrêmement relâché, et les tournures de phrases ne sont pas toujours correctes. Cela permet de mieux cerner Tessa (puisque l’histoire est narrée de son propre point de vue) et d’apporter une certaine touche de réalisme, mais il est vraiment dommage de passer par un style d’aussi basse qualité, alors que le volume est plus maîtrisé que le précédent.
Imposteur était une bonne surprise pour son univers, mais restait un peu trop superficiel tant du point de vue de l’intrigue, que des personnages ; Déserteur est non seulement une très bonne suite, mais redresse nettement le niveau. Dans une trilogie, le second tome est souvent moins bon que le premier : ici, c’est l’inverse. Bien que l’on sente qu’il s’agisse d’un tome de transition, tant tout a évolué, Déserteur relance l’intérêt du lecteur, et prépare habilement le tome 3 : au vu de la fin, qui laisse le lecteur sur des charbons ardents – et sans cliffhanger commercial, s’il vous plaît ! – difficile de prédire comment l’auteur va s’en sortir. Il va donc sans dire que l’on est très curieux de savoir comment Suzanne Winnacker va clore cette histoire !
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