Noël en février frappe en plein cœur : le roman de Sylvia Hansel nous conte trois ans de la vie d’une adolescente à la fin des années 90. L’adolescence, on le sait, est une période intense où le moindre sentiment est exacerbé. Quand Camille rentre en seconde au lycée des Grands-Bois, le 11 septembre 1996, elle fait une rencontre qui va bousculer toute son existence, elle va tomber amoureuse, comme ça, tout simplement, le jour de sa rentrée au lycée. Timide, la jeune fille n’ose aborder ce garçon solitaire, androgyne. Quelques jours après la rentrée, la nouvelle tombe : Mathieu ne se plait pas aux Grands-Bois, il change de lycée. Trop tard pour Camille, qui est totalement tombée sous le charme du jeune homme.
Ce qui commence comme une amourette adolescente très Cœur grenadine se mue bientôt en un roman sensible, douloureux, car de la même manière que Noël n’a jamais lieu en février, rien ne se passe comme Camille le souhaiterait. Son histoire d’amour avec Mathieu ne suit pas les sentiers balisés : entre brèves fulgurances et longues périodes de nostalgie, trois ans passent bientôt. Rien n’est simple dans leur histoire, et c’est le cœur serré que nous dévorons les pages.
Nous voilà dans la tête de Camille, une adolescente comme les autres, avec des rêves (irréalisables) plein la tête mais qui en fait, ne sait pas bien ce qu’elle veut faire plus tard. Elle voudrait des amis, mais se sent en décalage permanent avec les autres. Au sein de sa famille recomposée, elle ne sent pas à son aise non plus. Elle a la sensation de s’enterrer dans un lotissement de banlieue, au fin fond de la Seine-et-Marne. Comme toute adolescente, elle a la critique facile, des récriminations plein la bouche, rêve de partir loin. Et elle est désespérément amoureuse d’un garçon compliqué, que l’on n’arrivera jamais vraiment à cerner.
Ce récit fleure bon les années 90, à l’heure où, pour communiquer, on écrit encore de longues missives, ou l’on se fend d’un coup de téléphone fixe pour papoter et où l’on écoute du rock pur et dur sur des baladeurs à piles. C’était l’âge tendre des compilations sur cassettes… Ces considérations matérielles mises à part, l’adolescence de Camille aurait pu être la nôtre, quand bien même nous avons vécu la nôtre dix ans plus tard, à pianoter sur MSN. On se reconnaît dans ses révoltes, ses petites joies, sa gouaille et parfois même, son mal-être. Le roman de Sylvia Hansel sonne terriblement juste, et chacune des émotions de son héroïne devient la nôtre, Sylvia Hansel dépeint avec talent l’urgence et la violence des premiers émois, l’attente, les suppositions interminables, le temps passé à tout préparer, à tout prévoir, jusqu’à la couleur du vernis à ongles. Camille est touchante, terriblement réaliste, surtout quand nous la sentons sur le point de se noyer.
Le roman ne ménage ni son lecteur, ni son héroïne, qui s’exprime sans fard, évoquant au fil des pages aussi bien les dérives de l’alcool, la drogue, la violence. Camille doit grandir, mais son passage à l’âge adulte est difficile, solitaire, douloureux. A la fin, nous la quittons à regret, devenue étudiante à Paris à l’aube de l’an 2000. Nous aurions aimé la suivre davantage. Pourtant, la fin du roman est magistrale, terrible et belle en même temps. Un premier roman très réussi, et, indéniablement, un coup de cœur.
Je l’ai vu passer au travail, maintenant je regrette ne pas avoir sauté dessus ! Il faudra que je répare ça 🙂