Un roman qui surprend : Les Ailes de l’ange

Les Ailes de l'ange, Jenny Wingfield

ROMAN AMÉRICAIN —Ne vous fiez pas aux apparences ! Car derrière un titre pas forcément des mieux choisis, se cache en réalité un très bon roman, bien loin des niaiseries que le titre laissait supposer. Les Ailes de l’ange, c’est avant tout une immersion dans l’Amérique profonde, celle des années 50, du gospel et de la musique country. A la fois rafraîchissant et bouleversant, ce premier roman laisse présager du meilleur.

En Arkansas vivent les Moses, une famille nombreuse et chaleureuse, qui tient un bar et une épicerie, un clan pas comme les autres, qui possède quelques personnalités bien marquées : Calla la matrone au cœur sur la main, Toy le colosse au passé trouble, Bernice la séductrice…

Lorsque Willadee, la fille des Moses, son époux Samuel, pasteur de vocation, et leurs trois enfants décident de venir à la ferme familiale pour une réunion de famille, ils sont loin de se douter qu’ils ne repartiront pas. C’est donc dans les champs et les trous d’eau alentour que Swan, véritable garçon manqué de onze ans grandit, et rencontre Blade, un petit garçon au père d’une violence extrême…

Comme nous vous le disions plus haut, il ne faut pas se fier aux apparences qui semblent décrire un de ses romans creux et dégoulinant de bons sentiments. Car Jenny Wingfield n’hésite pas à frapper fort pour marquer les esprits. On ne s’attend pas forcément à rencontrer des scènes véritablement violentes dans ce livre : pourtant, le lecteur est saisi d’horreur en lisant ce que la quatrième de couverture décrit comme « le coup de trop ». En somme, Jenny Wingfield réussit un coup de maître en jouant avec nos attentes, et avec les codes du genre. Car, ne nous leurrons pas, il est assez rare qu’un livre nous surprenne vraiment. On se dit toujours « cela n’ira pas dans cette direction, c’est trop violent, c’est impensable, ça finira forcément ainsi, on menacera tel personnage, mais le méchant ne passera pas à l’action ».

L’ennui, c’est que le méchant, dans Les Ailes de l’ange, passe vraiment à l’action. Plus que surpris, on est choqué par ce déchaînement de violence dans un seul homme, véritable incarnation de toutes nos peurs d’enfant. Et là, on se rend compte, agréablement surpris, que le roman a pris un chemin des plus prometteurs ! Et la surprise vient dès les premières lignes, par ce ton mordant, ironique, vif que l’on ne s’attend pas à trouver là.

A côté du grand méchant, un homme violent et cruel qui aurait probablement pu être inventé par Faulkner, l’on a la famille Moses, une famille véritablement adorable, un vrai modèle de cohésion familiale. Certains des membres sont à peine esquissés, mais d’autres ont vraiment la place d’honneur : Calla, la matriarche, Willadee et Samuel, les parents de la petite Swan, Toy, l’oncle bourru au grand cœur. L’intrigue tourne beaucoup autour de la relation entre Samuel et Toy, l’intellectuel et le manuel, l’un tourné vers la spiritualité, et l’autre plus pragmatique. Entre eux, les enfants, qui se tournent tantôt vers l’un, tantôt vers l’autre, les gamins, à la recherche d’un modèle, les deux hommes tâchant de définir ce qu’est la paternité.

Que dire, pour conclure ? Que c’est ce genre de livre dans lequel on est tellement absorbé que l’on loupe sa station de métro. Un livre qui révolte, qui fait sourire, et qui bouleverse.

Les Ailes de l’ange, Jenny Wingfield. Belfond, avril 2011. 10/18, juin 2013. Traduit de l’anglais par Isabelle Chapman.

A propos Emily Costecalde 1036 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

2 Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.