Grand nom des lettres chinoises, Eileen Chang s’illustre tout particulièrement dans l’art de la forme courte : c’est une nouvelle fois le cas ici, avec Deux brûle-parfums. Les deux histoires que nous conte Eileen Chang durent le temps de combustion d’un brûle-parfum. Ces deux romans courts nous plongent dans le Hong Kong de l’époque coloniale, au cœur des bonnes sociétés anglaises et chinoises. L’atmosphère est feutrée, sulfureuse, et les non-dits y sont rois…
Le premier brûle-parfum nous immerge dans l’histoire de Wei-lung, une adolescente venue se placer sous la protection de sa tante, femme du monde à la réputation décadente, qui, autrefois, s’est fâchée avec le père de Wei-Lung quand elle a décidée de devenir l’énième concubine d’un vieux rupin. L’époux riche est décédé, laissant la tante richissime… mais déjà un peu trop âgée pour en profiter en jeune fêtarde. La tante voit donc en sa nièce le ressort stratégique rêvé pour attirer à elle tout un harem de jeunes hommes…
Le deuxième texte nous présente Roger Empton, un professeur respecté déjà quadragénaire. Il n’en croit pas sa chance : la douce Susie a accepté de lui accorder sa main. Mais rien ne se passe comme prévu. Pourtant, les signes annonciateurs ne trompent pas : la grande sœur de Susie, Millicent, a récemment divorcé, arguant que son mari était une « bête » qui l’avilissait. En réalité, et Roger le découvrira à ses dépends, Susie et sa sœur ignorent tout de la réalité de la vie conjugale, et ont probablement été élevées dans la haine de l’acte charnel… Pour Roger, c’est une véritable spirale infernale qui s’amorce : le pauvre homme va progressivement tout perdre…
Ces deux textes ont pour thème principal l’amour, mais un amour malheureux, tout en quiproquos funestes et coups du sort désastreux. Alors que la jeune Wei-lung réalise n’être qu’un jouet entre les mains avides de sa tante, Roger se rend compte que ce qu’il croyait être un présent du destin est en réalité un cadeau empoisonné. Tous deux se retrouvent peu à peu pris au piège : la tante de Wei-lung sait peu à peu se rendre indispensable auprès de sa jeune proie, l’enfermant progressivement dans une cage dorée tandis que Roger est victime de la spirale infernale des rumeurs…
Ces deux récits au charme oriental, légèrement suranné, démontrent une nouvelle fois la grand talent d’Eileen Chang, découvert pour notre part dans Love in a Fallen City. C’est une véritable parenthèse hors du temps, hors du quotidien que nous proposent les éditions Zulma : laissez-vous porter !
Soyez le premier à commenter