Ah, le Texas ! Le lecteur français se l’imagine immense (il l’est !), et parcouru en pickup par des hommes massifs, un stetson vissé sur la tête. Duane Moore a longtemps été un de ces hommes : pendant des décennies, il a été un homme aux affaires florissantes, véritable magnat du pétrole. Il vivait dans une immense maison avec son épouse Karla, ses enfants et petits enfants. Du jour au lendemain, Duane est entré en dépression et a rejeté tout ce qui représentait sa vie passée : il a rangé définitivement son pick-up au garage, et s’est installé dans une cabane isolée.
Puis, Karla est décédée dans un accident de la route, et Duane est donc devenu veuf. Après un voyage en Egypte qui tient presque du pèlerinage, Duane rentre au Texas. Le vieil homme n’aspire plus qu’à une fin de vie tranquille. Mais son cœur et ses hormones n’ont pas dit leur dernier mot ! Lui qui avait le béguin pour sa psychiatre lesbienne, Honor, tombe sous le charme de la jeune géologue embauchée par son fils. Duane n’est pas sorti de l’auberge !
Le récit de Larry McMurtry réussit l’exploit d’être à la fois très touchant et très agaçant. Il est profondément émouvant car il montre un Duane à la fin de sa vie, qui porte un regard nostalgique sur une ville en pleine déliquescence. Thalia, où il a passé toute sa vie, est délaissée par la jeunesse au profit de villes plus modernes. Les enfants de Duane sont partis. Son bureau de Thalia est fermé. Certains de ses amis les plus anciens passent l’arme à gauche, ou s’en vont également. C’est la fin d’une époque, et Duane fait un peu office de dernier des Mohicans.
Mais à côté de ce lent basculement vers la vieillesse, Duane semble vivre une deuxième adolescence : il a les hormones en pelote ! Entre Honor et la jeune Annie, Duane pense énormément au sexe. Trop, probablement. Le lecteur se lasse rapidement des nombreuses occurrences des mots « baise » ou « chatte », passablement (et inutilement) vulgaires par ailleurs. Vous n’ignorerez rien des érections de Duane ou de l’état d’excitation des tétons d’Annie, autant de détails ultra récurrents qui, s’ils ont probablement leur place dans Cinquante nuances de Grey, deviennent vite très agaçants quand ils se répètent aussi souvent que dans Duane est amoureux. Nous avons bien compris que Duane est âgé, et pas dans sa plus grande forme, mais était-il aussi nécessaire de nous rappeler en permanence l’impact de ses deux données sur ce qu’il a entre les jambes ? Certes, Duane est amoureux parle de vieillir, et surtout de la vie sexuelle et amoureuse à plus de soixante ans : mais a-t-on besoin de tous ces détails, de la récurrence de ces scènes ? Nous sommes peut-être un peu sévères… car après tout, ceci mis à part, Duane est amoureux est un joli roman, avec un protagoniste en bout de route qui voit la fin de son monde arriver. Parfaitement dans la lignée de Duane est dépressif, Duane est amoureux nous permet également de retrouver tous les charmants protagonistes que nous avions aimés dans le volume précédent (ah, l’inénarrable Bobby Lee, qui se retrouve toujours dans des situations improbables !). Un roman touchant.
Duane est amoureux, Larry McMurtry. Sonatine, 2015. Traduit de l’anglais par Sophie Aslanides.
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